Le FN à gauche toute !

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
Je me suis demandé si Marine Le Pen, d’ordinaire si inspirée pour la mise en scène de ses annonces politiques, n’avait pas choisi exprès de présenter son projet économique un vendredi pour que les commentaires qui en seraient faits soient escamotés par le week-end. Quoi qu’il en soit, on a assez reproché au FN de ne pas avoir de plan en matière économique pour ne pas examiner ce qu’il propose et le discuter. Un constat s’impose : c’est peut-être irréaliste, c’est surtout sommaire. Donc ce n’est pas « soyons fous », comme certains l’annonçaient, mais « soyons flous »…
Sur quels points particuliers Marine Le Pen manque-t-elle de précision ?
Rien de ce qu’elle avance n’est chiffré. On ne sait pas combien coûterait, par exemple, l’instauration de droits de douanes pour les produits qui font concurrence à la production française, parce qu’il y aurait forcément des répercussions de la part des pays visés. En revanche, il y a des effets de ce qu’elle propose qui sont tout à fait quantifiables, mais dont elle ne dit rien. Le meilleur exemple, c’est la sortie de l’euro. Elle veut revenir au franc avec une dévaluation de 20 à 25% pour stimuler le commerce extérieur. Comme la dette de la France est en euro, il faudrait automatiquement rembourser 20 à 25% de plus, c’est incontournable. L’impression de flou est d’ailleurs d’autant plus grande que l’« économiste » qui a présenté le plan du FN n’a pas voulu donner son vrai nom et qu’il était interdit de le filmer ou de le photographier…
Puisqu’on n’en connaît que les grandes lignes, quelle impression d’ensemble donne ce projet ? En quoi se distingue-t-il des projets de l’UMP et du PS ?
C’est la vraie surprise : le plan de Marine Le Pen est bien plus proche des idées de la gauche que de la politique de Nicolas Sarkozy. Elle défend les 35 heures, la retraite à 60 ans, elle promet la fin des suppressions de postes de fonctionnaires. Elle veut le renforcement du rôle de l’Etat, la nationalisation des entreprises du secteur de l’énergie et des transports, et de certaines banques (ce qui la classe plutôt à l’extrême-gauche). En fait, elle pratique la surenchère économique et sociale avec la gauche de la même façon qu’elle cherche à imposer une surenchère sécuritaire et xénophobe à la droite. Pour elle, l’ennemi c’est la mondialisation : des capitaux, des marchandises et des hommes (autrement dit : l’immigration). La cohérence d’ensemble, c’est la doctrine du repli sur soi.
Ce positionnement très à gauche, c’est une rupture de plus avec la ligne historique du FN…
Evidemment. Jean-Marie Le Pen était plutôt un ultra-libéral : il vilipendait les fonctionnaires et les charges sociales, il prônait la suppression de l’impôt sur le revenu. Avec sa fille, on est passé de Margaret Thatcher… à Arlette Laguiller ! Elle ne défile pas encore devant les usines, mais ça ne va pas tarder… Pour le 1er mai, les affiches du FN appellent au « printemps social ». C’est la dernière étape de la métamorphose : la recherche d’une forme de populisme économique qui se nourrit du fantasme d’une France auto-suffisante, isolée du monde, verrouillée à double tour. Pour que ça marche, mieux vaut un brouillard soigneusement entretenu qu’un dispositif très élaboré. Contrairement à son père, Marine Le Pen se méfie des points de détail…
Ecoutez «le parti pris» du lundi 11 avril avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin: