Le « ni-ni » de Fillon : ni fidèle, ni rebelle

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
Pendant une journée, on a cru que c’était fait : que François Fillon, le terne, le soumis, le discipliné, le si commode François Fillon avait décidé cette fois de dire non. Que lui l’ancien disciple de feu Philippe Séguin, requis par les mânes du gaullisme, avait bravé la consigne pour faire barrage au FN, qu’il était au bord de la dissidence.
Eh bien c’est déjà fini ! Une avoinée présidentielle plus tard, Fillon est rentré dans le rang. Il a expliqué, assez piteusement, qu’on l’avait mal compris et qu’en fait, il était sur la même ligne que Nicolas Sarkozy. Personne n’est dupe mais on a évité la crise de régime…
Est-ce que cet épisode peut laisser des traces ? Ce n’est quand-même pas fréquent de voir le Président et le Premier ministre s’opposer ouvertement sur une question de stratégie électorale…
Sauf qu’ils ne se sont pas opposés puisqu’ils sont d’accord ! Enfin, on est prié de faire comme si. Tous les chefs de la majorité l’ont juré hier mardi après la réunion du groupe parlementaire: il n’y a qu’une seule position à l’UMP sur les cantonales : pas de consigne aux électeurs. C’était émouvant et sincère comme la sortie d’un congrès de jésuites. En réalité, la divergence est évidente mais Fillon ne l’a pas assumée jusqu’au bout. Pourquoi ? Parce qu’un désaccord au sommet, sous la Ve République, ça se solde forcément par la démission du Premier ministre. Et Fillon n’a pas osé aller jusque là.
Il a eu tort ? Aurait-il dû démissionner ?
Ça le regarde. Ce que je pense c’est que : soit François Fillon fait de la question du FN une affaire de principes et il faut donc considérer qu’il a bradé ses principes ; soit c’était une position tactique de sa part et il a raté son coup. Dans les deux cas, il est perdant. Il ne s’est montré ni fidèle ni rebelle. On pourrait dire aussi ni loyal au président ni courageux devant l’opinion. C’est un double ni-ni… et même un triple : ce qu’il a montré dans cette affaire n’est bon ni pour son autorité ni pour son avenir.
A-t-il abîmé son image de présidentiable ?
Je ne sais pas s’il en a une. Que ce soit un dirigeant de qualité, ça ne fait pas de doute. Qu’il soit capable d’opiniâtreté aussi – on l’a bien vu à l’automne quand il s’est battu pour rester à Matignon. Vu d’aujourd’hui, on comprend que Nicolas Sarkozy ne pouvait pas lui préférer Jean-Louis Borloo, dont l’identité politique aurait juré avec la ligne dure qu’il a choisie pour 2012. On a pu penser qu’après avoir résisté et gardé sa place, Fillon allait devenir le vrai chef de la majorité. L’un des objectifs, c’était d’ailleurs de permettre à Nicolas Sarkozy de prendre du champ, de s’éloigner de la gestion quotidienne de la majorité. Le résultat, c’est que, puisque Nicolas Sarkozy ne l’est plus tout à fait et que François Fillon ne l’est toujours pas, la majorité n’a plus de chef du tout. Et en ce moment, il n’est pas difficile de voir à quel point ça lui manque.
Ecoutez « Le parti pris » de ce mercredi 23 mars avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin: