Le troublant 1er mai de François Hollande

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
C’est le symbole qui est troublant. François Hollande ne voulait pas défiler « derrière la CGT » (dixit Nicolas Sarkozy) ni avoir l’air de bouder la fête du travail. Fidèle à son habitude, il a cherché une échappatoire. C’est de là que vient l’idée d’un hommage à Pierre Bérégovoy. Seulement c’est un symbole à double sens : Bérégovoy est une figure du socialisme mitterrandien, celui qui a conquis le pouvoir en 1981 mais aussi celui qui a oublié ses valeurs, s’est abîmé dans les scandales – et qui a subi la pire défaite de la Vè République. En célébrant sa mémoire, c’est le souvenir de cette tragédie politique que François Hollande va honorer. Il n’est pas sûr que dans son habileté, il en ait bien mesuré la portée.
Bérégovoy a aussi été l’un des artisans de l’union de la gauche, dans les années 70. Est-ce qu’on ne peut pas penser que François Hollande veut également envoyer ce signal politique ?
Certainement. Mais là aussi, il y a une dimension double dans le destin de Pierre Bérégovoy. C’était un fils d’immigré ukrainien, un cheminot qui a gravi les échelons de la méritocratie républicaine jusqu’à devenir Premier ministre. Il a été un collaborateur de Mendès-France puis un fidèle de François Mitterrand et avec lui, l’un des artisans de la réconciliation de la gauche avec le capitalisme – et hélas, jusqu’à l’affairisme… C’est tout cela qui a fait de Bérégovoy l’incarnation des espoirs et des reniements du mitterrandisme, cette malédiction de la gauche au pouvoir dont le PS a mis tant d’années à se remettre. Sa vie est un parcours exemplaire – pour le meilleur et pour le pire. Sa mort reste une date sombre dans l’histoire de la gauche française.
François Mitterrand avait dénoncé, à ses obsèques, les outrances de la presse et ceux qui avaient « jeté aux chiens l’honneur d’un homme ». Faut-il aussi se remémorer cela ?
On peut toujours accabler la presse pour mieux flatter le pouvoir. La vérité, c’est que Bérégovoy avait succombé, par faiblesse, aux arrangements financiers qui se pratiquaient dans l’entourage de François Mitterrand. La presse l’a révélé sans acharnement particulier (on en a vu d’autres…). Bérégovoy était un homme honorable, même un homme d’honneur – d’une certaine façon, sa fin le prouve. Ce n’était pas un saint mais c’est devenu un martyr. Il a porté le poids des équivoques du mitterrandisme, auxquels on a repensé récemment en entendant la charge de François Hollande contre « la finance ». Peut-être que s’incliner sur sa tombe est une façon, pour celui qui sera peut-être bientôt à l’Elysée, de conjurer la malédiction du pouvoir. Mais s’il était encore vivant, Bérégovoy, lui, aurait sûrement préféré défiler avec les syndicats que réveiller le souvenir de toutes ses illusions perdues.
Ecoutez ci-dessous le podcast intégral du Parti Pris d'Hervé Gattegno ce mardi 1er mai :