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Les amis de François Hollande "n’en reviennent pas de voir à quel point il a toujours été sous-estimé"

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Dans son livre Je fais attention à tout (Editions La Tengo), Jérémy Collado raconte la jeunesse de François Hollande. Avec un enseignement majeur: toute sa vie, le président de la République a été sous-estimé par ses rivaux. Une bonne leçon à retenir alors que sa candidature à la présidentielle de 2017 semble de plus en plus se préciser.

Jérémy Collado, journaliste à Nice-Matin et Slate, auteur de Je fais attention à tout.

"Personne ne se méfie jamais de lui, il y a pleins d’anecdotes qui le prouvent. D’abord, c’est lié à un aspect physique qui le rend sympathique. Quand il était plus jeune, au lycée Pasteur, il avait des costumes un peu mal fagotés. Et face aux fils de bourgeois parisiens, il ne payait pas de mine. On ne le remarquait pas toujours. Quand il arrive à Science po, il milite à l’UNEF-Renouveau, un syndicat dirigé en sous-main par des communistes. Avec les socialistes ils ne trouvent pas de leaders pour les représenter, donc ils se disent ‘on n’a qu’à donner la tête de liste à un homme de paille’, et ce type c’est François Hollande. Mais il place ses hommes et ne lâchera pas le syndicat. J’ai rencontré beaucoup de ses amis, et ils n’en reviennent toujours pas de voir à quel point il a été sous-estimé.

Là, c’est sûr que ça va être dur. Mais une des raisons pour lesquelles il est sous-estimé, c’est aussi sa relation aux journalistes. Dans les années 80, il noue des relations avec eux, il met en musique la parole gouvernementale, il passe sa vie à déjeuner avec Colombani, Plenel, Joffrin... Les journalistes l’ont considéré comme leur copain, et ont eu tendance à le caricaturer en simple homme d’appareil, sans ego. Du coup, il a été étonné de l’accueil que la presse lui a réservé en 2012: il s’est dit ‘super ils vont être tendres avec moi’. Alors qu’en fait ça a été l’exact inverse. On est passé d’une relation de complaisance, entre guillemets, à une relation ultra-dure, mais c’est toujours une caricature de lui. Au final, les gens sous-estiment encore son pouvoir, sa capacité à manipuler des gens et à faire des coups à 12 bandes. Sauf que chez François Hollande, le 13e lui revient parfois à travers la tête.

"Il ne parle jamais de ses émotions, il a peur que ce soit une faiblesse"

Les gens continuent à le sous-estimer, mais président, c’est autre chose que premier secrétaire du PS. Donc son bilan pèse très lourd dans la balance. Après, rien n’est impossible en politique. Comme le dit Colombani, ceux qui l’ont sous-estimé s’en sont mordu les doigts. Ça reste un être humain, donc forcément il a dû en souffrir de cette image. Mais je ne pense pas que ce soit un moteur pour lui. Quand j’ai commencé le livre, je me disais que François Hollande était l’homme le moins romanesque du monde. Je demandais des anecdotes croustillantes à ses amis, ils me disaient que non, qu’il est tellement pudique qu’il ne dévoile jamais rien. Il ne parle jamais de ses émotions, il a peur que ce soit une faiblesse. C’est d’ailleurs pour ça qu’il ne parle jamais de sa relation avec son père, alors qu’il en a beaucoup souffert, comme il a souffert qu’on parle de sa vie privée.

François Hollande, c’est un pragmatique, pas un affectif. Même François Rebsamen dit que c’est un 'galet', sans émotion, froid, calculateur. C’est un homme qui a posé des jalons au service d’une ambition politique. Il ne faut pas oublier d’où il vient. C’est un conseiller référendaire à la cour des comptes. C’est un énarque. Son père est ORL. C’est un chirurgien de la politique, un clinicien. André Martinez, son copain de HEC, me disait: "il voit un problème, il pose un diagnostic, et il opère, point". Ce n’est pas sexy mais ça a été très longtemps efficace. Après, il se trouve que quand on est président de la République, c’est plus compliqué que ça.

"Le malentendu n’est pas sur sa personne, il est sur sa politique"

Le malentendu vient en partie des journalistes. C’est un homme courtois, affable, drôle, sympa. Mais en tant que président, on ne demande pas ça. On lui demande d’appliquer un programme pour lequel il a été élu. Le vrai malentendu n’est pas sur la personne de François Hollande, il est sur sa politique. Il a été élu sur 'mon ennemi c’est la finance'. Justement, si on s’était un peu plus attardé sur son parcours, on aurait découvert qu’il a toujours été ce qu’il est. Il a fait HEC, il y a peu d’hommes politiques, surtout à gauche, qui ont fait HEC.

C’est un homme d’ordre, il aime que ça marche. Il se veut pragmatique, il se veut comme ça. Le malentendu n’est pas forcément lié à lui, mais plus à son entourage. Il n’a pas su rassurer une partie de la gauche. Il n’a pas su avoir assez de discipline vis-à-vis de ses ministres, de ses poulains, qui ont parlé à tort et à travers. Il est froid, calculateur, mais il n’est pas autoritaire. Il ne tranche pas. Ce livre il n’est pas fait pour tuer ou desservir, ni pour servir François Hollande, il est là pour raconter la vérité de sa jeunesse, et essayer de retrouver la part de romanesque qu’il y a en lui".

Propos recueillis par Antoine Maes