Les socialistes en excès de vitesse

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h25 sur RMC. - -
En campagne électorale, il n’y a pas de coïncidences : seulement de malencontreux hasards qui, parfois, donnent du sens à ce qui n’en avait pas. Que Jean-Paul Huchon, baron socialiste s’il en est et président de la région Ile-de-France se fasse flasher hier à 171 km/h au volant de sa voiture de fonction, ça fait évidemment mauvais genre. Qu’on apprenne le même jour que le candidat Hollande a déjà promis une belle place à son ex-compagne – qui est surtout la première à s’être ralliée à lui entre les deux tours des primaires –, ça ne peut que donner l’impression d’un triomphalisme prématuré. C’est vrai que les sondages donnent un très large avantage à François Hollande – inédit dans ces proportions sous la Vè République –, mais il faut se méfier des sorties de route. Surtout sur les routes… de campagne !
Donc le problème de François Hollande, c'est de ne pas trop accélérer mais de garder son avance...
Exactement. La tortue de la fable ne peut pas d’un seul coup se transformer en lièvre – ça risque de former un animal bizarre… La percée de François Hollande dans l’opinion s’explique vraisemblablement par sa modération et son apparente sérénité. Ce n’était pas évident au pays du bonapartisme et du culte des Grands hommes, mais ça a marché. S’il donne le sentiment qu’il croit déjà avoir gagné, sa belle image risque de s’abîmer. C’est l’une des difficultés qu’il a avec les Verts. Il a sans doute raison de ne pas vouloir leur céder sur la question du nucléaire puisqu’il est plus fort politiquement. Mais il ne peut pas les humilier non plus. Sans quoi il aura du mal à s’en faire des alliés. Les écologistes se moquent qu’il roule vite ou lentement – du moment qu’il conduit une voiture électrique…
François Hollande a aussi un problème avec le projet du PS. Est-ce que l'aggravation de la crise ne l'a pas déjà rendu obsolète ?
Ne le répétez pas : il y a encore, au PS, des gens qui l’ignorent. Evidemment que le projet est dépassé. Il faudra donc en changer – et François Hollande en a toujours eu l’intention. Mais il devra composer avec Martine Aubry et l’aile gauche du PS, qui croient dur comme fer que les 300 000 emplois d’avenir seront une martingale électorale – comme les emplois jeunes de Jospin en 1997. Dans son discours d’investiture, samedi, Hollande a annoncé, au détour d’une phrase, qu’il présentera bientôt une « plateforme présidentielle ». Si les mots ont un sens, ça signifie qu’il ne fera pas campagne sur le projet du PS. Et on verra s’il maintient son idée du contrat de générations – pour stimuler à la fois l’emploi des jeunes et celui des seniors : cette idée dont Martine Aubry a dit qu’elle était chère et irréaliste...
S'il est obligé de modérer ses promesses, est-ce que la prolongation de la crise peut réduire son avantage par rapport à Nicolas Sarkozy ?
Elle peut surtout le handicaper dans l’électorat populaire, qui espère des idées tranchées et des solutions tranchantes – face aux banques, par exemple. S’il est trop modéré, Hollande risque de perdre des voix au profit de Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est plus seulement un problème de vitesse mais de tenue de route : la crise l’empêche de rouler trop à gauche ; mais à rouler au centre de la route, c’est sûrement plus confortable, mais on risque beaucoup plus l’accident !
Ecoutez ci-dessous le "Parti pris" de ce Mardi 25 octobre 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin :