Les Verts ne méritent pas Cohn-Bendit

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
On aime ou pas Daniel Cohn-Bendit mais il faut reconnaitre à ce personnage du panache et de l’indépendance. On sait que c’est un des anciens leaders de mai 68, ce qui lui a laissé une sainte horreur des appareils politiques, un paradoxe quand on milite chez les Verts. C’est aussi le plus français des allemands et réciproquement. Cette double identité n’est évidemment pas pour rien dans son caractère fantasque et atypique. C’est un des personnages les plus brillants et les plus sincères de notre vie politique, c’est un esprit libre, le contraire d’un idéologue. Mais j’arrête là parce que j’ai l’impression de prononcer son éloge funèbre. Mais c’est vrai que voir notre Dany national ou plus exactement binational, tomber dans un combat d'apparatchik, c’est un petit deuil. Pas forcément définitif mais tout de même significatif.
Il a été mis en minorité par Cécile Duflot et par ses partisans à Europe Ecologie. Mais c’est la vie normale d’un parti politique ?
Oui évidemment. C’est la difficulté essentielle de Daniel Cohn-Bendit, il aime trop la politique pour ne pas avoir besoin d’un parti mais il s’est toujours vu d’avantage comme un inspirateur, un mentor plus qu’un dirigeant. Pour lui Europe Ecologie qui est sa création était plus un mouvement qu’une organisation. Le résultat prévisible, c’est qu’il a perdu la main. Derrière la bataille de pouvoir avec Cécile Duflot, il y a un enjeu stratégique : Cohn-Bendit voulait convaincre les Verts de négocier dès maintenant avec le PS et surtout il voulait les convaincre de miser sur les élections législatives et non pas sur les présidentielles parce qu’il considère qu’on pèse plus avec une ligne politique avec des élus au parlement qu’avec un score, même flatteur, à l’élection présidentielle.
Il était prêt à soutenir Dominique Strauss-Kahn en 2012. Peut-on considérer qu’il est une victime indirecte de l’affaire DSK ?
D’une certaine façon oui. Comme il est beaucoup moins gauchiste qu’il ne l’était en 68, il pariait sur DSK comme modernisateur de la gauche, et comme le meilleur candidat contre Nicolas Sarkozy. En fait, il est surtout victime de ses propres contradictions. Il ferait lui-même un candidat idéal pour les écologistes mais il refuse la logique présidentialiste. Il ne pense pas qu’il est forcément prioritaire pour un parti d’avoir un candidat à l’Elysée. Les Verts eux, à l’inverse, baignent dans une culture parlementaire mais ils adhèrent sans états d’âme au modèle de la Ve république. Le profil de leurs deux prétendants le montre bien : Nicolas Hulot et Eva Joly sont médiatiques et relativement populaires, et bien cela leur suffit.
Est-ce que la question du nucléaire a pesée dans cette bataille ?
Un peu sans doute. Même s’il a signé avec Cécile Duflot et Eva Joly un appel au référendum sur le nucléaire, il est sur une ligne moins dure que les Verts. Il n’était pas prêt à faire du nucléaire un point de rupture avec le parti socialiste. Il peut aussi penser aujourd’hui que l’exemple allemand plaide en sa faveur. C’est l’enracinement des Verts allemands dans la politique de leur pays et leurs récents succès électoraux qui ont pesé évidemment sur la décision d’Angela Merkel d’abandonner le nucléaire. Dany le rouge a le blues aujourd’hui mais les Verts français ne sont pas prêts d’obtenir un résultat pareil en France sur le nucléaire, tant pis pour eux.
Ecoutez «le parti pris» de ce Mardi 31 mai 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :