Michel Barnier: impôts, immigration, retraites... ce qu'il faut retenir du discours de politique générale

“Au moment de m’adresser à vous pour la première fois en tant que Premier ministre, j’ai conscience de la gravité et de l’importance de ce moment pour notre action commune et pour les Français qui nous regardent et qui nous écoutent”: voici les premiers mots prononcés par Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale ce mardi 1ᵉʳ octobre 2024.
À peine a-t-il entamé son discours, que des députés de l'aile gauche ont brandi des cartes d'électeurs. Costume bleu et ruban rose au revers, diction lente, imperturbable aux tentatives d'interruption, Michel Barnier, à Matignon depuis 26 jours, a planté d'emblée le décor en évoquant “la dette financière colossale”
Dette
"Nous sommes collectivement sur une ligne de crête", en raison de la situation budgétaire de la France, a estimé Michel Barnier devant l'Assemblée nationale.
"Nous devons faire beaucoup. Et si nous n'arrivons pas à faire beaucoup dans tous les domaines, nous devons faire bien pour répondre aux attentes des Français et des Français. Et nous devons faire avec peu, dans une économie de moyens et de ressources", a déclaré le Premier ministre.
Premier engagement: ramener le déficit à 5% en 2025. "La véritable épée de Damoclès, c'est notre dette financière colossale (...) qui, si l'on n'y prend garde, placera notre pays au bord du précipice", a affirmé Michel Barnier. Le Premier ministre souhaite ainsi "ramener le déficit à 5% du PIB en 2025" et le faire revenir "sous le plafond de 3% en 2029", dans le respect des "engagements européens" de la France.
Réduire les dépenses et augmenter les impôts
Le Premier ministre a indiqué qu'il demanderait "une participation au redressement collectif aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants" ainsi qu'"une contribution exceptionnelle" aux "Français les plus fortunés", au nom de l'"exigence de justice fiscale".
"Nous le ferons sans remettre en cause notre compétitivité", a ajouté le chef du gouvernement, en affirmant que l'effort proviendra aux "deux tiers" de la réduction des dépenses.
“Nous ferons la chasse aux doublons, aux inefficacités, aux fraudes, aux abus du système et aux rentes injustifiées.”
Autre épée de Damoclès: la dette écologique
Pour Michel Barnier, il est urgent de s’occuper rapidement de la dette écologique. “Nous pouvons et nous devons faire plus pour lutter contre le changement climatique, et tous les risques qu’il entraîne, préserver la biodiversité et encourager l’économie circulaire”, a-t-il déclaré. Pour le Premier ministre, cela passera notamment par la décarbonation des usines, l’encouragement à l’innovation, l’implantation de nouvelles industries de la transition et le renforcement des filières de recyclage.
“La transition écologique doit être l’un des moteurs de notre politique industrielle: je crois à une écologie des solutions.”
Ainsi, les travaux de planification" dans le domaine de l'énergie et du climat "vont reprendre immédiatement".
Scrutin proportionnel
Michel Barnier s'est dit "prêt à ouvrir une réflexion et une action sans idéologie sur le scrutin proportionnel" pour les élections législatives, réclamé par une partie de la classe politique, de la gauche au Rassemblement national en passant par le MoDem.
"J'ai bien entendu les appels a davantage de représentativité", a assuré le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement. Sans entrer dans le détail, il a relevé que ce mode de scrutin était "déjà mis en oeuvre au Sénat et dans les collectivités et pratiqué, à des degrés différents d'ailleurs, chez beaucoup de nos voisins".
Réforme des retraites
“Sur les retraites aussi, il faudrait reprendre le dialogue. Il est impératif de préserver l’équilibre durable de notre système de retraites par répartition”. Michel Barnier s'est dit devant l'Assemblée nationale ouvert à des "aménagements raisonnables et justes", en concertation avec les partenaires sociaux, sur la très décriée réforme des retraites.
"Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l'usure professionnelle, de l'égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir", a-t-il déclaré lors de sa déclaration de politique générale, en précisant vouloir "proposer aux partenaires sociaux de réfléchir à des aménagements, raisonnables et justes".
Nouvelle-Calédonie
Michel Barnier a annoncé que les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie seront reportées "jusqu'à fin 2025" et que le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, à l'origine des émeutes qui ont enflammé l'archipel, ne "sera pas soumis au Congrès".
Le Premier ministre s'est dit désireux de s'impliquer "personnellement" dans ce dossier. "Une mission de concertation" conduite par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, se rendra sur place "prochainement". "Une nouvelle période doit maintenant s'ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d'un consensus politique sur son avenir institutionnel", a-t-il encore dit.
IVG, PMA, mariage pour tous
Dans son discours, Michel Barnier l’assure: il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme, et aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes. Il n’y aura également aucune tolérance à l’égard du communautarisme et aucun accommodement sur la laïcité. Enfin, il répète qu’il n’acceptera aucune discrimination et ne remettra pas en cause “les libertés conquises au fil des ans”, comme le droit à l’IVG, désormais protégé par la Constitution, la PMA et la loi sur le mariage pour tous.
SMIC, assurance chômage
Le Premier ministre Michel Barnier a redonné la main aux syndicats et au patronat pour négocier "sur notre système d'indemnisation du chômage" ainsi que sur "l'emploi des seniors", enterrant du même coup la réforme de l'assurance chômage prévue par le gouvernement Attal.
Les partenaires sociaux "sont les mieux placés pour apporter des solutions", a estimé le chef du gouvernement lors de sa déclaration de politique générale, demandant que cette négociation s'ouvre "dès les prochaines semaines", alors que les règles actuelles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont été prolongées par décret jusqu'au 31 octobre.
De plus, "nous revaloriserons le Smic de 2% dès le 1er novembre, en anticipation de la date du 1er janvier", a annoncé le Premier ministre, Michel Barnier.
"Il reste dans notre pays des branches professionnelles dans lesquelles les minimas sont inférieurs au Smic, ce n'est pas acceptable et cela devra faire l'objet de négociations rapides", a ajouté le chef du gouvernement.
Le Premier ministre Michel Barnier a également proposé la création d'un "nouveau livret d'épargne dédié à l'industrie" pour "soutenir" la "dynamique industrielle" en France.
Sécurité
Michel Barnier a rappelé devant l'Assemblée nationale la nécessité du "respect de l'État de droit", après la polémique créée par les propos de son ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui avait déclaré ce week-end que l'État de droit n'était "pas intangible, ni sacré".
"La fermeté de la politique pénale, que les Français demandent, est indissociable du respect de l'État de droit et des principes d'indépendance et d'impartialité de la justice, auxquels je suis personnellement profondément et définitivement attaché", a indiqué le Premier ministre.
Michel Barnier a annoncé que son gouvernement allait proposer de "limiter" les "possibilités" d'aménagements de peines pour "que les peines soient exécutées" en prison.
"Il est nécessaire que les jugements soient respectés sans être transformés, que les peines soient exécutées (....). C'est pourquoi nous proposerons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits" et une limitation des "possibilités de réduction ou d'aménagement de peines, a ajouté le Premier ministre.
Immigration
Michel Barnier a également estimé que la France "ne maîtrise plus de manière satisfaisante" sa "politique migratoire", et qu'elle n'atteint donc "plus de manière satisfaisante" son "devoir républicain d'intégration".
Promettant d'agir avec "gravité" et "dignité", le Premier ministre a annoncé que son gouvernement proposerait "de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière, pour mieux exécuter les obligations de quitter le territoire français". Il envisage aussi de restreindre "davantage l'octroi de visas" pour les pays qui rechignent à délivrer les laissez-passer nécessaires à l'expulsion de leurs ressortissants.
Fin de vie
Michel Barnier a poursuivi son discours en déclarant qu'il souhaitait "reprendre le dialogue" avec le Parlement en début d'année 2025 sur le projet de loi sur la fin de vie, dont l'examen avait été suspendu à l'Assemblée en juin par la dissolution.
Pour "accompagner les personnes en fin de vie", "nous allons reprendre le dialogue avec vous, avec le Sénat, les soignants et les associations, en début d'année prochaine, sur le projet de loi dont l'examen a été interrompu par la dissolution", a déclaré le Premier ministre devant les députés.
International
Enfin, le Premier ministre a conclu son discours de politique générale en adressant ses pensées à l’Ukraine, à Israël, à la Palestine et au Liban.
“La violence n’a que trop duré. La France appelle à un cessez-le-feu à Gaza”, a-t-il ajouté.