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Nouvelle-Calédonie: "Les trois référendums ont séparé la population en blancs ou noirs"

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Dans "Les Grandes Gueules" ce vendredi sur RMC et RMC Story, un habitant de Nouvelle-Calédonie explique les liens se sont distendus dans la population ces dernières années.

Un médecin au chevet de ses patients, alors que le chaos a gagné les rues de Nouméa et des alentours. Depuis le début de la semaine, en Nouvelle-Calédonie, le Dr Jean-Michel Tivollier n’a pas quitté son service. "On est dans la seule clinique du territoire, dans le centre de néphrologie. Je reste sur place pour m’occuper de l’afflux de patients, explique-t-il dans Les Grandes Gueules ce vendredi sur RMC et RMC Story. Il y a des centres de dialyse qui sont non-fonctionnels. Comme c’est un traitement vital, il faut absolument maintenir les soins, au risque de perdre ces patients qui sont fragiles et qui ont besoin d’une structure de soins assez complexe."

Et les patients arrivent encore à rejoindre la clinique. "Il y a ceux qui refusent de prendre trop de risques et qui arrivent en bateau, par la mer, parce que la plage est à côté. Et il y a ceux qui ont un peu plus de courage et qui passent entre les voitures brûlées, en zigzaguant, et après quelques barrages où en général, on les laisse passer", raconte le médecin, qui s’inquiète pour l’approvisionnement de la clinique: "C’est un réel problème. Il y a les besoins logistiques matériels et humains. On gère au jour le jour. Pour le moment, on a encore 48 heures de stocks. On a des stocks qui ne sont pas accessibles actuellement. Tant qu’on n’a pas la liberté de circuler, on ne peut rien faire".

Alors que la France, par la voix du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dénonce une ingérence de l’Azerbaïdjan, et que l’accès au réseau social chinois TikTok a été coupé depuis la mise en application de l’état d’urgence, "on peut penser qu’il y a quand même une stratégie qui est extrêmement bien organisée dans la manière de brûler l’outil économique", note le médecin. "On voit bien que les choses ont été pensées en aval. Ce n’est qu’un facteur supplémentaire. Ça a été utilisé, c’est tout".

L'intégrale des Grandes Gueules du vendredi 17 mai 2024 avec Elina Dumont, Antoine Diers et Stéphane Manigold - 09h/12h
L'intégrale des Grandes Gueules du vendredi 17 mai 2024 avec Elina Dumont, Antoine Diers et Stéphane Manigold - 09h/12h
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"Dans la vie de tous les jours, ça se passe très bien"

Sur place, avant ces émeutes qui ont fait cinq morts dont deux gendarmes, "il y avait un énorme abcès à crever" selon cet habitant de Nouvelle-Calédonie. On a laissé fleurir tout un ensemble de gens sans éducation, dans la délinquance. Un jour ou l’autre, ils ont été utilisés un peu comme des enfants soldats. J’espère que ça va être l’occasion de changer de point d’appui, que certaines digues sautent et qu’on ait une vision un peu plus fonctionnelle de la société calédonienne."

Selon lui, "les trois référendums (sur l’indépendance, en 2018, 2020 et 2021) ont tamisé la population, l’ont séparée en blancs ou noirs". C’est le nom qui l’a emporté à chaque fois. "Sur trois générations, je le vois bien. Du temps de mon grand-père, on vivait avec le monde mélanésien. Du temps de mon père, il y avait encore un bon contact. Et mon fils ne vit plus avec le monde mélanésien. Les modes de vie se sont étirés dans deux directions différentes", assure le médecin.

"Ça ne veut pas dire que les deux populations ne vivent pas ensemble, ajoute-t-il. On vit très bien ensemble. Dans la vie de tous les jours, ça se passe très bien. C’est juste qu’il y a cette espèce d’idéal de l’indépendance, qui peut être une raison de vivre pour une partie de la population. C’est aussi un moyen d’acquérir du pouvoir pour les politiques, de l’argent. Il ne faut pas se leurrer. A chaque problème, la Nouvelle-Calédonie tend la main à la France et il y a des gens qui en profitent. Il y a plusieurs étages. Dans la vie de tous les jours, ça fonctionne très bien. Le problème, c’est plutôt dans les discours, avec la manipulation de certaines populations."

Et le Dr Jean-Michel Tivollier souligne que "la France a fait énormément de choses". "On a injecté beaucoup d’argent pour essayer d’élever le niveau d’éducation. Mais on n’a pas regardé le résultat, on n’a pas fonctionné dans une démarche qualité", regrette-t-il. "Il y a de nombreux Mélanésiens qui sont attachés à la France, à un certain ordre, à des hôpitaux, à des routes, à une certaine organisation de la société, explique-t-il. Parfois, cela prend un peu des formes agressives sur le monde culturel kanak."

LP