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On n'a pas le droit d'empêcher DSK de parler !

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC.

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -

Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen lundi pour «proxénétisme aggravé en bande organisée» dans l'affaire dite du Carlton de Lille. On lui a signifié qu'il ne pourrait pas communiquer durant tout le temps de la procédure. Mais a-t-on le droit d'empêcher DSK de parler ?

Dans l’affaire DSK, on ne sait pas où s’arrêtera le supplice – ni l’outrage aux principes. Quoi qu’on pense de sa vie privée, qu’il se soit trouvé des juges pour l’assimiler à un proxénète, c’est déjà stupéfiant. Mais il y aussi ce contrôle judiciaire ahurissant qui lui a été infligé : pas le droit de voir les autres mis en examen, c’est habituel ; mais il a interdiction de parler de l’affaire avec la presse ! C’est la plus incroyable atteinte aux droits de la défense qu’on ait jamais vu – contraire à la constitution, aux droits de l’homme, à toutes les règles démocratiques. Un accusé a toujours le droit de se défendre publiquement, de crier son innocence. Ce droit est refusé à DSK. Et rien ne peut le justifier.

Mais alors, qu’est-ce qui peut avoir conduit des magistrats à le priver de son droit à la parole ?

On est tenté de dire spontanément : la volonté de l’humilier. Mais quelle que soit la réponse, cette forme d’acharnement provoque un malaise. Libre à chacun de trouver son mode de vie déplacé ou scandaleux. La justice est saisie pour dire si quelque chose est illégal dans tout cela – on verra bien. Mais le fait de le forcer au silence est en lui-même une injustice, puisque ce qui lui est reproché s’étale dans toute la presse et que lui n’a pas le droit de s’expliquer sous peine d’être jeté en prison. Vous me direz : ses avocats peuvent parler. C’est la moindre des choses. Lui est présumé innocent mais il est condamné… au silence. Un détail : sa femme dirige un site d’information. Est-ce qu’on lui interdit aussi de parler de l’affaire ?

On sent que vous avez de la compassion pour DSK. Vous trouvez qu’il subit un châtiment trop cruel ?

Il n’a été condamné à rien, ni à New York ni en France. A Lille, ce qui lui est reproché, ce sont des soirées échangistes. Il nie avoir su qu’il pouvait y avoir des prostituées. Même s’il l’avait su, est-ce que ça ferait de lui un proxénète ? Les souteneurs qui dirigent des réseaux de filles par la menace et la violence doivent bien rigoler. Fréquenter des prostituées n’est pas un délit et on ne dit même plus que les soirées auraient été payées avec de l’argent détourné d’une entreprise : les juges ont abandonné la piste de l’abus de biens sociaux. L’impression qui domine, c’est qu’on veut punir une faute morale parce qu’elle a été commise par un homme qui a été puissant. Et qu’on le fait d’autant plus sévèrement qu’il ne l’est plus. C’est plus que cruel ; c’est injuste.

Vous pensez que le calendrier judicaire de cette affaire a quelque chose à voir avec le calendrier politique – celui de la présidentielle ?

Les juges peuvent avoir des arrière-pensées – ça s’est déjà vu. S’agissant de DSK, je ne le crois pas parce qu’il n’a plus de carrière et qu’il faut bien dire que son avenir – en tout cas politique – est derrière lui. C’est un immense gâchis mais c’est ainsi. Nous vivons une époque où la morale publique n’admet plus l’immoralité privée. Les politiques doivent faire avec. Il n’empêche que les grands principes valent aussi pour les hommes de petite vertu. Sinon il n’y a plus de principes du tout.

Ecoutez ci-dessous le podcast du Parti Pris d'Hervé Gattegno ce mercredi 28 mars 2012 :

Hervé Gattegno