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Pendant que la campagne est suspendue… la campagne continue

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC.

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Après le drame de Toulouse, les prétendants à l’Elysée ont souhaité hier que la compétition électorale soit «suspendue». Mais c’est une figure de style ! Car pendant que la campagne est suspendue… la campagne continue.

Il y a une bienséance convenue, une hypocrisie générale dans le consensus qui a vu tous les candidats annoncer qu’ils interrompaient leur campagne. Pas parce que la compassion pour les victimes serait hypocrite : il n’y a pas de raison de douter de la sincérité des politiques face à une telle horreur. En même temps, personne ne peut croire que l’affrontement soit entièrement mis entre parenthèses – parce que les électeurs jugent aussi sur la capacité qu’ils présument chez les candidats de surmonter des crises, de faire preuve de sang froid, de parler au nom du pays. Et ce sont des qualités qui peuvent se révéler – ou pas – dans ces circonstances. Donc oui, N. Sarkozy a parlé en chef d’Etat hier ; mais aussi en candidat. Et ce n’est pas un hasard si tous les autres, à commencer par F. Hollande, ont pris aussi la parole. C’étaient bien des candidats qui s’exprimaient. Et F. Bayrou encore plus que les autres.

Les politiques en font-ils trop ?

Ils ont surtout peur de ne pas en faire assez. Ils n’ont pas forcément tort : en 1980, après l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic, Giscard avait été accusé d’indifférence pour ne pas s’être rendu sur place. Vous pouvez être sûr qu’ hier, chacun des candidats a dû peser chaque mot de sa déclaration et choisir la couleur de sa cravate ou de son tailleur pour être le plus consensuel possible. Et d’un autre côté, nous avons un système politique qui fonctionne beaucoup (trop) sur le registre de l’émotion. Du coup, nos dirigeants se sentent tenus d’exprimer le plus vite possible leur sympathie et leur solidarité avec les victimes – ce qui est légitime – mais aussi à échafauder des hypothèses et même à désigner des mobiles, sinon des coupables – ce qui est souvent prématuré.

Va-t-on trop vite en parlant d’un crime antisémite ?

Il faut donner aux mots leur vrai sens : tuer des enfants dans une école juive, c’est un acte antisémite. Ça ne veut pas dire que l’antisémitisme soit le mobile du meurtrier. D’autant qu’il y a eu, juste avant, les meurtres des trois parachutistes à Toulouse et à Montauban, qui peuvent faire penser à un racisme d’une autre nature, puisque deux des victimes sont d’origine maghrébine et le 3è d’origine antillaise. Sachant aussi peu de détails que nous en avions hier (et encore aujourd’hui), je ne suis pas sûr qu’il fallait d’emblée donner à ces meurtres un contexte religieux en associant les représentants de l’Islam et de la communauté juive. Là encore, ce sont des considérations politiques qui prévalent. C’est regrettable.

Est-ce qu’un fait divers tragique comme celui-ci peut modifier le cours de l’élection ?

Il faut espérer que non – pour que l’émotionnel ne l’emporte pas sur le rationnel. De toute façon, si ça a une influence, elle est difficile à mesurer. Disons qu’une issue rapide, avec l’arrestation du tueur, renforce toujours le crédit du pouvoir en place. Mais si la traque se prolonge, que la police n’arrive pas à le trouver, il va y avoir un climat de psychose qui peut se retourner contre le pouvoir – donc contre N. Sarkozy. Et si, par malheur, il y avait d’autres victimes, là, c’est non seulement le pays qui serait bouleversé, mais aussi la campagne. Et on ne peut pas dire dans quel sens.

Hervé Gattegno