Pourquoi la loi immigration est reportée à l’automne

Elisabeth Borne a présenté ce mercredi sa feuille de route pour les "100 jours". Mais la loi immigration, elle, est reportée à l’automne, sans date précise. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à ce jour, l’exécutif n’a pas de majorité pour la faire voter à l’Assemblée. Et que les Républicains ne sont pas prêts à faire ce cadeau politique à Emmanuel Macron. Quant à la Première ministre, après le fiasco de la réforme des retraites, vous connaissez le proverbe : chat échaudé craint l’eau froide…
Et pourquoi l’automne ? Parce qu’en septembre, il y a les élections sénatoriales et que la droite compte bien conserver sa majorité au Sénat. Et, accessoirement, Gérard Larcher sa présidence du Sénat. Et puis, à l’automne, le contexte politique aura peut-être changé. D’ici là, il y aura peut-être un remaniement, un nouveau locataire à Matignon. Et pourquoi pas, un Premier ministre de droite.
Cette loi, Gérald Darmanin l’a préparée. Puis l’exécutif a fait savoir qu’elle allait être scindée en plusieurs morceaux. Puis Emmanuel Macron a dit : non, une seule loi. Puisqu’il n’y a pas de majorité, l’Elysée et Matignon se sont dit : on va faire deux lois distinctes. Une loi qui pourrait satisfaire la gauche en y incluant par exemple les fameux titres de séjour pour les métiers en tension (bâtiment, hôtellerie-restauration, professions de santé…). Une mesure que rejettent avec force Les Républicains et le Rassemblement national au motif qu’il s’agirait d’une forme de régularisation massive des clandestins. Et puis une loi qui pourrait plaire à la droite et qui renforcerait les règles en matière d’immigration et d’expulsion des étrangers en situation irrégulière…
La droite va déposer sa propre proposition de loi
Sauf que le tour de passe-passe n’a pas fonctionné. La gauche ne veut rien entendre, Les Républicains non plus. Du coup, le président de la République est revenu en arrière : une seule loi, équilibrée, a-t-il dit, à la fois pour "durcir nos règles" en matière d’expulsion tout en améliorant nos conditions d’intégration. Sauf que pour ça, vous l’avez compris, il n’y a pas de majorité à l’Assemblée.
Au point, d’ailleurs, que les LR vont déposer leur propre proposition de loi. C’est en effet ce qu’a annoncé ce mercredi Olivier Marleix, le chef de file des députés LR. Une proposition de loi décidée à trois avec Eric Ciotti, le patron du parti, et Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat. Manière de piéger Elisabeth Borne qui justifiait le report à l’automne en expliquant que les Républicains devaient encore "dégager une ligne commune entre le Sénat et l’Assemblée".
Eric Ciotti est même allé plus loin en réclamant carrément un référendum pour modifier la Constitution afin que la France puisse s’affranchir de ses obligations internationales, notamment pour pouvoir supprimer le regroupement familial, obliger les demandeurs d’asile à déposer leur demande dans leur pays d’origine, renvoyer les mineurs isolés d’où ils viennent, donner un tour de vis sur les droits sociaux accordés aux étrangers en situation régulière et, pour faire bonne mesure, revoir le code de la nationalité.
Le 49.3 impossible à éviter?
Du coup, on en a presque oublié ce qu’il y avait dans le projet de loi initial du gouvernement… En matière de contrôle de l’immigration : élargir les critères permettant d’expulser les étrangers, lever les protections contre les OQTF en cas de menace grave à l’ordre public, réformer l’organisation de l’asile avec la création de pôles France Asile et simplifier le contentieux des étrangers en réduisant les délais et les recours.
En matière d’intégration : conditionner la délivrance d’une carte de séjour à la maîtrise d’un niveau minimal en français et cette fameuse carte de séjour pour les métiers en tension que réclament depuis longtemps les professionnels du BTP et de l’hôtellerie-restauration.
Sauf que cette loi n’a donc aucune chance d’être votée. Reste bien une porte de sortie… le 49.3. Il y a quelques jours, dans un entretien accordé à l’AFP, Elisabeth Borne s’était engagée à ne plus y recourir, hors textes budgétaires. Sermonné par le président de la République, elle a amendé ses propos ce mercredi en précisant qu’il ne s’agissait pas d’un engagement mais d’un "objectif". Mais comme elle l’a dit, "ce n’est pas le moment de diviser les Français".