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Présidentielle : faut-il faire confiance aux sondages ?

300 sondages sont publiés à chaque campagne présidentielle en France. Un record en Europe !

300 sondages sont publiés à chaque campagne présidentielle en France. Un record en Europe ! - -

A moins de deux mois de l’élection présidentielle, les sondages se multiplient, avec parfois des résultats très différents selon les instituts. Certains dénoncent des sondages sur internet rémunérés et donc biaisés. Et vous, faites-vous confiance aux sondages ? Vont-ils influencer votre vote ?

Selon les derniers résultats des différents instituts de sondage, la question mérite de se poser. Ipsos mesure un écart de 7 points entre Sarkozy et Hollande mardi dernier, alors que CSA ne mesure qu'un point de différence dans la même semaine. Et les différences pourraient encore s'accumuler : plus la campagne avance et plus les instituts sortent des sondages. En 2007, il y en avait eu 300. On estime qu'il y en aura autant cette année. Un record en Europe !

« On essaie d’améliorer nos méthodes »

Brice Teinturier, directeur général de l'institut Ipsos, explique pourquoi selon lui « on peut faire confiance à ce que disent les sondages : il y a des centaines d’enquêteurs qui travaillent, des statisticiens, des méthodes éprouvées... Comme modes de recueil on peut avoir soit le téléphone soit le online. Et il y a des qualités de terrains. En 2007, personne ne croyait à l’hypothèse d’un Front national bas, que mesuraient les instituts, et c’est pourtant ce qui s’est produit. Aux Régionales de 2004, le FN avait été mesuré à 15% et c’est ce qu’il a fait. Il faut juste avoir un peu de distance, de prudence, prendre un peu de recul et regarder les tendances. Les instituts travaillent de la manière la plus fiable possible, avec des méthodes que nous essayons à chaque fois d’améliorer ».

« Les sondages par internet, moins chers mais moins fiables »

Mais pour Alain Garrigou, professeur de Sciences Politiques à l'université Paris Ouest Nanterre, on peut de moins en moins faire confiance aux instituts de sondages : « Il y a eu une dégradation de la qualité parce qu’il y a de moins en moins de gens qui acceptent aujourd’hui de répondre à un sondage. Pour avoir un échantillon représentatif de 1 000 personnes, il faut à peu près 13 000 coups de téléphone. C’est pour cela que se sont développés les sondages par internet, parce que c’est deux fois moins cher : on propose aux internautes 7 000 euros, un appareil photo numérique, etc. Etant donné ces coûts moitié moindres des sondages par internet, tout le monde s’y met. Moi je ne connais pas un scientifique qui se fierait à ça. C’est une méthode d’enquête en ligne qui normalement devrait passer sous le contrôle de la CNIL ; mais ce n’est pas le cas. Jusqu’à présent les gens donnaient leur opinion, maintenant ils la vendent ; ça change tout ».

« Les sondages ne m’influenceront pas ! »

Et vous, faites-vous confiance aux sondages ? Est-ce que ça va influencer votre vote ? Amandine Dubiez est allée poser la question à des futurs votants dans les rues de Paris. Beaucoup regardent les sondages, mais « ça ne m’influencera pas », assure une passante. En fait, ils doutent de leur fiabilité : « Ils sont soit surévalués soit sous-estimés. […] Ils peuvent se tromper ; ça s’est déjà produit. […] Certains sondés sont rémunérés ; c’est inadmissible ! ». Annie les trouve même dangereux : « ça évite aux gens de penser par eux-mêmes ; ça donne une idée à un maximum de population qui se dit "si celui-là a 40%, il doit être un bon…" ; ça doit influencer ».
Près de 30% des citoyens restent indécis jusqu'au dernier moment. Et les sondés ne diraient pas toujours ce qu'ils pensent, selon Dominique Wolton, directeur en science de la communication au CNRS [Centre national de la recherche scientifique] : « Si vous vous sentez décalé ou minoritaire, à l’extrême droite ou à l’extrême gauche, vous n’allez pas forcément dire ce que vous pensez, ce que vous allez faire ».

La Rédaction, avec Amandine Dubiez