RMC

PS: l’héritage mitterrandien n’est pas forcément un cadeau…

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi.

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -

Cette semaine sera marquée par la célébration du trentenaire de l’élection de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Mais les socialistes devraient se méfier : le gâteau d’anniversaire de ce mardi semble empoisonné.

François Mitterrand, on le sait, est le seul socialiste qui a réussi à accéder à l’Elysée sous la Ve République. Pour cette raison, il reste évidemment une référence, un modèle, une icône – presque une légende. Comme on le surnommait « le Sphinx » et qu’il avait une passion pour l’Egypte, ses héritiers l’ont en quelque sorte embaumé et ils l’honorent comme un ancien pharaon. Mais ils doivent aussi se souvenir que tout n’a pas été rose après 1981: que Mitterrand a été l’homme des grandes réformes puis l’homme des grandes déconvenues. Et que s’il a porté la gauche au pouvoir, il l’a laissée dans un état presque aussi délabré qu’il l’avait trouvée.

Est-ce qu’ils ne veulent pas surtout se rappeler que la victoire est possible ? Est-ce que ce n’est pas ça, la principale leçon de Mitterrand ?

On peut le dire comme ça. Mais il ne suffira pas de faire tourner sa table ou de tripoter son chapeau – l’un et l’autre sont exposés comme des reliques au siège du PS – pour retrouver une martingale perdue. Si Mitterrand n’avait eu que du talent, ça n’aurait pas suffi. Il lui avait fallu dix ans pour unifier le PS et un accord avec le PC ; et il avait en face de lui un président déconsidéré et une droite divisée. Si l’on compare avec la situation actuelle, on peut dire que seuls les critères extrinsèques sont remplis : Nicolas Sarkozy a perdu énormément de crédit et sa majorité est fracturée. Mais pour ce qui est du rassemblement de la gauche, ce n’est pas fait. La primaire socialiste sera un moment de vérité. Quant à la question des alliances, elle ne se pose plus avec le PC mais surtout avec les Verts – et là, c’est mal parti !

On dit souvent que François Mitterrand est l’homme qui a converti la gauche au réalisme du pouvoir.

Il a apporté aux socialistes l’espoir, après 23 ans d’opposition, et beaucoup de grandes réformes sociales à la France – sans compter l’abolition de la peine de mort, qui était un symbole très fort. Ensuite, les choses ont mal tourné : parce que ses choix économiques ont entraîné un effondrement du franc et qu’il a dû enchaîner des reniements qui n’ont jamais été assumés politiquement – à commencer par la rigueur, qui est toujours un mot tabou dans la politique française. A partir de là, Mitterrand a entraîné les socialistes de l’anticapitalisme forcené à la célébration de l’argent, et des grandes ambitions égalitaires aux scandales à répétition. On peut fêter l’anniversaire de 81, mais l’héritage mitterrandien n’est pas forcément un cadeau…

Est-ce que le Mitterrand de 1981 peut avoir un héritier en 2012 ?

Certainement. Il y a chez les socialistes une envie de revenir au pouvoir qu’on ne sentait pas en 2002 derrière Lionel Jospin – pour la bonne raison que Jospin était au pouvoir, en cohabitation avec Chirac. Reste à savoir qui a le meilleur profil pour une nouvelle « force tranquille ». Si on observe les deux favoris, Hollande a la constance : il est très tranquille, mais pas assez fort. Et DSK, lui, a le prestige : il est très fort, peut-être pas assez tranquille. La question essentielle reste : conquérir le pouvoir, mais pour en faire quoi ? Fêter le 10 mai, c’est aussi ne célébrer que la victoire. Et ne pas penser aux lendemains qui (parfois) déchantent.

Ecoutez «le parti pris» du lundi 9 mai avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC:

Hervé Gattegno