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Sarkozy prépare une campagne... à la Chirac !

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC.

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Il semble que nous ne soyons plus qu’à quelques jours de la candidature officielle de Nicolas Sarkozy. On ne sait pas encore comment il l’annoncera mais vous savez, vous, comment il va faire campagne. Sarkozy prépare une campagne… à la Chirac. C’est-à-dire ?

On pourra dire que c’est un cruel destin pour Nicolas Sarkozy, qui avait promis la « rupture » avec le chiraquisme, d’en être réduit à s’inspirer de son prédécesseur pour essayer d’arracher un deuxième mandat. Son impopularité persistante fait penser au Giscard de 1981 et on sait que ses conseillers ont étudié de près les conditions de la réélection de Mitterrand en 1988. Mais c’est bien sur le Chirac de 2002 que Nicolas Sarkozy s’apprête à prendre modèle. Comme lui, il va se déclarer à la mi-février (il avait pensé attendre mars, comme Giscard et Mitterrand) ; comme lui, il est en position de challenger – et même d’outsider ; et comme lui encore, il va le faire en mettant la barre à droite toute.

Autrement dit : vous nous annoncez une campagne focalisée sur la sécurité et l’immigration…

Oui, avec en plus ce qu’il a présenté comme ses « valeurs » dans le Figaro Magazine (le refus du mariage gay et de l’euthanasie) et le grand débat sur la protection sociale et le statut des chômeurs, qu’il se dit prêt à poser par référendum – ainsi que sur l’immigration. Donc le dosage sera : une bonne dose d’ultra-sécuritaire, comme le Chirac de 2002 qui sautait sur les faits divers et accusait la gauche de laxisme ; et un trait de référendum, le Canada Dry du gaullisme : ça en a la couleur mais pas le goût ; c’est l’appel au peuple dont on fait un gadget politique. Chirac a utilisé le procédé pour faire adopter le quinquennat, mais aussi pour la Constitution européenne, avec un échec cuisant. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, la ficelle est si énorme que tout le monde comprend qu’il n’y aura pas de référendum sur les chômeurs. C’est une idée qui a déjà fait « pschitt », comme aurait dit Chirac…

Il y a un autre point commun : comme Chirac, Nicolas Sarkozy est devenu la cible principale du FN. Marine Le Pen l’a accusé hier dimanche de faire de l’immigration « un thème électoraliste »…

Absolument – et c’est d’ailleurs largement à cause de la haine qu’il provoquait au FN que Chirac laisse le souvenir d’un président modéré, humaniste et intransigeant sur les principes ; même si sa carrière a été marquée par quelques saillies très discutables : « le bruit et les odeurs » ou la ligne droitière de son gouvernement de 1986-88, quand Charles Pasqua parlait de « valeurs communes avec le FN »… La méthode chiraquienne, c’était un discours sans concession avec le FN mais des positions susceptibles d’attirer ses électeurs. C’est ni plus ni moins que ce que fait Nicolas Sarkozy aujourd’hui. On a eu la phase 1 avec Claude Guéant en éclaireur, pour donner un signal de fermeté. Dans la phase 2, Nicolas Sarkozy va attaquer le FN sur sa crédibilité et sa démagogie. C’est une martingale cynique qui l’a fait gagner en 2007.

Est-ce que vous pensez, comme certains le disent, que Nicolas Sarkozy parie maintenant sur l’absence de Marine Le Pen au premier tour ?

Ce serait naïf et on ne lui connait pas ce défaut. C’est plutôt qu’il pense avoir creusé l’écart avec elle, de sorte que, avec ou sans M. Le Pen, Nicolas Sarkozy parie qu’il sera au second tour face à François Hollande. Et qu’à ce moment-là, ceux qui votent par priorité en pensant à l’immigration et à la sécurité (il y en a) préfèreront la droite à la gauche. Surtout si cette droite est très à droite et que son candidat n’est pas maladroit. N’excluons pas que ce soit le cas de Nicolas Sarkozy.

Ecoutez ci-dessous le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce lundi 13 février 2012 :

Hervé Gattegno