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Si Hollande perd, ce ne sera pas à cause de Mélenchon

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC.

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Jean-Luc Mélenchon n’en finit plus de monter dans les sondages, au point que beaucoup d’observateurs se demandent si sa progression est une menace pour François Hollande. Mais si Hollande perd, ce sera de sa faute et pas à cause de Mélenchon…

Ce qui fait qu’on peut voir un danger pour François Hollande dans la percée de Jean-Luc Mélenchon, c’est que, pendant que Mélenchon gagne du terrain, Hollande, lui, en perd. Au début de la campagne, Mélenchon attirait des électeurs qui n’étaient pas ceux du candidat socialiste : plutôt ceux de l’extrême-gauche, du PC, des Verts même, pas mal d’abstentionnistes aussi, qui avaient perdu l’envie de voter. Donc il élargissait le spectre de la gauche. Maintenant qu’il prend aussi des voix à Hollande, le total de la gauche ne bouge plus et le favori est affaibli. Mais la politique ne se résume pas à l’arithmétique. Ce qu’on ne dit pas assez, c’est que le succès de Mélenchon se nourrit de la déception suscitée par François Hollande. Si Mélenchon prospère, c’est aussi parce que Hollande désespère.

Cela veut dire que François Hollande a perdu la main ? Il n’est plus le favori ?

Dans les sondages il l’est toujours. Mais Nicolas Sarkozy l’a rattrapé, parfois même doublé au 1er tour. L’évidence, c’est qu’il n’a pas pu empêcher qu’un doute s’instille, puis s’installe. Parce que c’est Nicolas Sarkozy qui occupe le terrain et qui multiplie les propositions, pendant que lui paraît de plus en plus entravé, presque ligoté par ses positionnements tactiques. Il s’est lancé à gauche toute avec son discours du Bourget contre « la finance » puis sa taxe de 75% sur les super-riches, ensuite il a essayé de se recentrer, de s’afficher en quasi-président – ça ne lui réussit pas. Alors il va finir la campagne en revenant à ce qui reste son meilleur argument : l’anti-sarkozisme. Ça fait plaisir à ses troupes, mais ça ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick. Il n’a pas produit une idée neuve depuis un mois…

Jean-Luc Mélenchon est-il plus convaincant ?

Si c’est pour gérer le pays, bien sûr que non. Mais Mélenchon fabrique de l’enthousiasme, le meilleur moteur en période électorale. Hollande, lui, fait une campagne qui lui ressemble : bonasse, astucieuse mais sans grande perspective. Il pense que pour rassembler, il ne faut froisser personne. C’est un obsédé de la synthèse, de la concorde – Mélenchon, lui, préfère la Bastille, on l’a vu récemment : il pense qu’on entraîne la foule avec des grands mots (et parfois des gros mots). L’histoire ne lui donne pas tort. Quoi qu’il se passe désormais, Jean-Luc Mélenchon aura marqué cette campagne. Ce qu’on ne sait pas, c’est ce qu’il peut faire de ce succès.

Il a nettement fait comprendre qu’il appellerait à voter pour François Hollande. Peut-on en douter ?

Pas du tout. Jean-Luc Mélenchon veut la victoire de la gauche. Mais pas celle que Hollande a imaginée. La victoire que Mélenchon voudrait lui apporter, c’est celle de Mitterrand en 1981 – allié au PC pour faire de grandes réformes sociales. Celle que Hollande a en tête, c’est plutôt celle du Mitterrand de 1988 – avec l’ouverture aux centristes et une politique social-démocrate. C’est cela qui se joue en ce moment. Plus Mélenchon sera fort, plus il attirera Hollande sur sa gauche. A l’inverse, moins il sera puissant, plus Hollande pourra miser sur le report des voix centristes. Autrement dit : Mélenchon peut certainement faire gagner Hollande ; mais Hollande peut… l’en empêcher !

Ecoutez ci-dessous le podcast du Parti Pris d'Hervé Gattegno ce lundi 2 avril 2012 :

Hervé Gattegno