Prison ferme pour des ex-salariés de Goodyear: "cette condamnation est disproportionnée, c'est une triple peine" fustige Edouard Martin
Une décision qui fait polémique. Huit anciens salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nordont été condamnés mardi à neuf mois de prison ferme pour avoir retenu deux cadres de l'entreprise en janvier 2014. Une décision qui a fait grincer des dents une partie de la gauche. Pierre Laurent a notamment dénoncé "une criminalisation scandaleuse de l'action syndicale". André Chassaigne, chef de file du Front de gauche, a parlé d'un "jugement "ignoble".
Ce mercredi matin, Edouard Martin, député européen social-démocrate, ancien élu CFDT au comité d'entreprise européen d'ArcelorMittal était au micro de Jean-Jacques Bourdin. Il a lui aussi fermement condamné cette décision de justice.
"Je trouve cette condamnation très sévère, complètement disproportionnée", a-t-il réagi. "Il faut remettre les choses dans le contexte de l'époque. Ceux qui n'arrivent pas à comprendre la détresse, le désarroi et la colère de ceux à qui on annonce que leur entreprise va fermer, dans une région sinistrée, avec très peu de chances de retrouver un travail, ne comprennent rien à la sociologie de ce pays et d'une entreprise."
"Effectivement, on a retenu deux dirigeants d'entreprises, je ne dis pas que c'est bien", a-t-il concédé, avant de préciser qu'ils n'ont pas été molesté. "La vraie violence sociale est dans la suppression de ces 1100 emplois", estime-t-il. "On condamne des gens à être quasiment chômeur tout le reste de leur vie. C'est la triple pleine : ils perdent leur emplois, ils sont criminalisés, avec le risque que leur vie sociale vole en éclat.
"Aujourd'hui, il n'y a pas de dialogue social"
L'ancien élu CFDT dénonce surtout une justice à deux vitesses. "Au moment où en France, on parle beaucoup de symboles, l'image perçue par beaucoup de Français c'est qu'il y a une justice à deux vitesses, une justice pour les riches, qui peuvent se payer les meilleurs avocats, et une autre pour les pauvres."
Interrogé sur le fait que la séquestration est une action extrême, l'eurodéputé répète qu'ils n'ont pas été violentés. "Qu'est-ce qu'il y a derrière ce geste? J'essaye de me mettre à leur place. Ils essayaient d'avoir un minimum de réponses. Aujourd'hui, il n'y a pas de dialogue social. Comment pouvez-vous discuter avec des dirigeants qui n'ont aucun pouvoir de décision? Le groupe Goodyear a donné l'information aux dirigeants locaux d'annoncer la fermeture. Il n'y a pas plus de discussion possible. C'est uniquement 'on va essayer de se mettre d'accord sur le montant du chèque'. Ce n'est pas une discussion loyale."
Et le député européen de conclure : "Il faut essayer de comprendre cette colère même si parfois elle ne prend pas les proportions les mieux adaptées. Mais il faut vivre cette situation-là pour comprendre."