Procès Chirac : mieux vaut tard que jamais!

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
La justice met parfois le temps mais dans cette affaire très particulière, l’enjeu ce n’était pas le temps mais le symbole, l’exemple, la question de principe. Il fallait que Chirac soit jugé pour des faits que la justice qualifie aujourd’hui de délits. Et pour cela, il fallait attendre qu’il ait quitté l’Elysée. Par chance pour lui, il est resté 12 ans au pouvoir. Peut-être que les juges auraient pu aller un peu plus vite depuis 2007, mais on ne peut pas dire qu’ils aient traîné non plus. C’est ce qu’il faut répondre à François Fillon qui dit que la décision arrive trop tard : c’est parce que Chirac a été Président que l’attente a été si longue. Et c’est aussi parce qu’il a été président qu’il fallait supporter cette attente. Rien n’aurait été pire que d’escamoter le procès. Il ne peut pas y avoir d’immunité à vie.
Certains sont émus, et regrettent qu’un ancien président termine sa carrière de cette façon.
Tout ça paraît très exagéré. Chacun y va de son hommage et de sa larme à l’œil – c’est vraiment le bal des faux-culs ! La tolérance zéro peut aussi s’appliquer aux élus, surtout les plus importants – c’est ce que dit le jugement, avec sévérité : pour les titulaires d’un mandat public, la probité n’est pas seulement une vertu, mais un devoir. Revendiquer l’intégrité, ce n’est pas être intégriste. A côté de ça, on peut avoir du respect pour le grand dirigeant politique qu’a été Jacques Chirac. Et de la compassion pour l’homme, qui est malade et qui, d’après son entourage, est loin de tout ça maintenant. Mais il ne faut pas tout confondre. Ce n’est pas seulement pour lui que la condamnation de Jacques Chirac est importante. C’est pour tous les Français. Et pour le crédit de la justice.
La gauche – notamment François Hollande – dit qu’il faut tirer la leçon du cas Chirac et revoir le statut pénal du chef de l’Etat.
Ça dépend par quoi on le remplacerait. Si c’est pour faire du président un justiciable ordinaire, c’est idiot et dangereux : on ne peut pas le mettre à la merci du premier juge qui voudra avoir sa photo dans le journal, ni surtout de la moindre plainte venue d’on ne sait où – et pourquoi pas d’un opposant. De toute façon, s’il y avait un système idéal pour conjuguer l’immunité présidentielle et l’égalité devant la justice, on l’aurait déjà trouvé. Pour le reste, hypocrisie encore : en 2001, sous Jospin, le PS a empêché Arnaud Montebourg (déjà lui) de présenter une résolution au Parlement pour mettre en accusation Chirac sur les affaires de la ville de Paris. Qui dirigeait le PS ? François Hollande ! Donc c’est assez hypocrite de venir dire maintenant que le président est trop protégé…
L’un de ses avocats avait plaidé que ce jugement donnerait « la dernière image de Jacques Chirac ». Est-ce qu’on peut dire que c’est ce qui va rester de lui ?
Pas seulement, bien sûr. Mais ce qui est frappant, c’est que la présidence Chirac aura été marquée du sceau de l’irresponsabilité. Il est le seul président à s’être maintenu au pouvoir après avoir perdu une dissolution et un référendum. Le seul aussi à avoir bénéficié de l’immunité pour arrêter la justice dans des dossiers qui le mettaient en cause. Et en même temps, il est celui qui a reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la Collaboration et la déportation des Juifs. C’était un des temps forts de sa présidence – et c’est un paradoxe assez troublant. La justice a fini par estimer qu’il fallait qu’il assume, lui aussi, sa responsabilité. C’est une bonne conclusion. D’une certaine façon, c’est un hommage rendu à la fonction présidentielle.
Écoutez le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce jeudi en podcast.