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Sans patron et sans travail, les Goss vont enfin être payés: "On est des apatrides du travail"

La société fabriquait des machines rotatives pour des imprimeries (illustration)

La société fabriquait des machines rotatives pour des imprimeries (illustration) - AFP

Privés de salaire depuis le mois de décembre, les 123 salariés de Goss France vont enfin être payés. En effet, à l’issue d’une ultime table ronde à la préfecture d’Amiens entre les représentants de l’AGS (assurance garantie des salaires), du Medef, de la CFDT et de la CFE-CGC, un accord a été trouvé pour débloquer leur situation. Un accord toutefois loin de satisfaire tout le monde.

C'est une situation ubuesque totalement inédite en France. Les 123 derniers salariés de Goss International France vivent depuis deux ans un imbroglio économique et juridique incroyable. Salariés de Goss International France, cette entreprise est placée en redressement judiciaire en 2013. Sa maison-mère, Goss International Europe la rachète. Un montage financier autorisé à l'époque. Mais en décembre dernier, le tribunal d'instance de Douai casse ce rachat. Résultat, les salariés n'ont pas de travail à faire mais ils ne sont toujours pas licenciés.

"Quelque chose d'anormal"

Alors qu'ils ne sont plus payés depuis le mois de décembre, ces salariés sont venus de Chantilly et de Nantes pour manifester ce jeudi à Amiens. Ils réclamaient leur paye non versée de janvier, mais aussi des licenciements dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Et ils sont parvenus à un accord: l’AGS (assurance garantie des salaires) versera les salaires manquants et le liquidateur judiciaire de Goss International France procèdera au licenciement économique des salariés.

Interrogé par RMC, Josselin, qui travaille pour cette entreprise d'impression depuis le début des années 80, reste prudent sur l'accord trouvé entre les syndicats et le Medef. "Ce jeudi, on nous a donné une information positive mais moi j'attends de voir réellement le virement de l'argent sur mon compte en banque. Ce sera là le vrai signe positif", explique-t-il. Et de déplorer: "J'ai cotisé pendant 32 ans. Aujourd'hui je n'ai pas de travail, pas de salaire… Quelque part, il y a quelque chose d'anormal".

"Déchus de notre vie professionnelle"

Erick, salarié depuis une trentaine d'années chez Goss, était présent à la réunion hier après-midi au moment de l'accord. Il avertit: il faudra être vigilant. "Un pas a été franchi mais, à chaque fois qu'on a eu quelque chose de positif, le lendemain on a toujours une chose supplémentaire de demander". "J'ai 59 ans et je ne pensais pas finir ma carrière de cette manière-là: sans patron, sans travail… On arrive à un stade où, même nous, on a du mal à en parler car c'est tellement irréaliste", peste-t-il.

Et d'ajouter avec émotion: "On a été déchus de notre vie professionnelle. On est des apatrides du travail. C'est totalement incompréhensible". En revanche, Wilfried Belloir, délégué syndical CFDT, se dit satisfait de l'accord trouvé. "On a obtenu de la part du Medef l'engagement que le problème est débloqué. Cela veut dire que nos salaires du mois de janvier vont être débloqués. Tout ce qu'on espère désormais c'est que ce type de situation ne puisse plus jamais se reproduire".

M.R avec Antoine Boyer