Sarkozy: un challenger en campagne

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
L'Élysée a confirmé jeudi que Nicolas Sarkozy serait l'invité de TF1, le 10 février, pour répondre aux questions d'une dizaine de Français. Alors que sa cote est au plus bas dans les sondages, vous y voyez le signal d'une véritable entrée en campagne. Mais pas une campagne de président sortant, une campagne de challenger. Pourquoi ?
«Le Parti pris» d'Hervé Gattegno:
Que Nicolas Sarkozy soit en campagne, on le voit tous les jours : deux déplacements en province par semaine, la conférence de presse en majesté, l'insistance de ses conseillers à souligner son style apaisé et la gravité que lui inspirent les problèmes du monde... Ce qui me fait dire qu'il part en challenger, c'est à la fois son impopularité et son empressement. On aurait pu imaginer qu'il joue à fond la carte du président sortant - surtout une année où il préside le G20, ce qui le pose en leader temporaire du monde. En fait, il préfère se lancer sans attendre parce qu'il part du principe qu'il a du retard à combler. Pas seulement dans les sondages. Dans ce qui tend à devenir une impression dominante, c'est-à-dire qu'il ne pourrait pas être réélu.
Est-ce que cette inquiétude vous paraît fondée ? Après tout, on ne connaît toujours pas son principal concurrent...
Précisément. Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy expliquent qu'il est arrivé à cette conclusion paradoxale que l'absence de rival clairement identifié au PS lui porte préjudice. Elle ne fait pas les affaires des socialistes, mais, lui, elle l'oblige à s'exposer seul au jugement des Français. Il est comme un boxeur sans adversaire. Alors que, s'il avait un adversaire, il pourrait chercher la contradiction, la comparaison, l'affrontement. Et ça, c'est un exercice où il excelle. Sur le fond, il doit être à peu près convaincu que DSK sera candidat. La meilleure preuve, c'est que tout son entourage dit le contraire, tout en faisant semblant de le regretter ! De toute façon, que DSK revienne ou non, Nicolas Sarkozy, lui, se dit qu'il doit profiter du surplace actuel des socialistes pour foncer.
Sur le fond, ça se caractérise comment, une campagne de challenger ?
On joue tous les coups à fond, on surjoue même. D'où sa sortie de jeudi à Orléans contre les juges. Nicolas Sarkozy se fait l'écho de la colère de l'opinion après le drame de Pornic - en escamotant qu'il est, lui, responsable de la politique qui est menée, y compris quand elle échoue. On a envie de lui rappeler que le président est aussi "le premier magistrat de France"... L'émission de TF1 s'inscrit dans la même logique. Pas de journalistes, mais des Français, des "vrais gens" comme on dit. Il pourra montrer de l'empathie, s'associer à leurs difficultés. Attention, ce n'est pas un exercice facile ; il y a un an, il s'était fait malmener par une caissière et un syndicaliste. On l'avait vu sur la défensive. L'avantage, c'est qu'il sait d'avance sur quoi on l'interroge puisqu'il connaît le profil des membres du panel. Et on peut parier que TF1 n'aura pas l'idée d'inviter un juge pour le questionner...
C'était aussi dans cette émission qu'il avait annoncé la baisse du chômage. Un an après, le chômage est à son plus haut niveau depuis 10 ans...
C'est l'échec numéro un pour le président - et une difficulté majeure pour le candidat. Comme challenger, il doit porter un projet qui mobilise et qui donne de l'espoir. Mais il sait que la crise va plomber la campagne de 2012 et que les promesses peuvent se retourner contre ceux qui les font. Résultat : pendant que les Brésiliens veulent faire du droit au bonheur un principe constitutionnel, Nicolas Sarkozy voudrait, lui, inscrire la rigueur budgétaire dans la Constitution. Ce n'est sûrement pas un excellent argument de campagne. Mais, au moins, on ne pourra pas l'accuser de démagogie !