RMC

Signaler la présence de contrôleurs pourrait être passible de prison: "C'est complètement hallucinant"

-

- - AFP

TEMOIGNAGES - Le Sénat doit voter ce mercredi la proposition de loi sur la sécurité dans les transports en commun. Ce texte comporte aussi un volet de lutte contre la fraude qui représente chaque année 500 millions d'euros de manque à gagner pour la SNCF et la RATP réunies. A cette occasion, RMC a rencontré David, un fraudeur des transports depuis 10 ans, et qui n'hésite pas à signaler les contrôleurs sur les applications.

Enjamber les tourniquets, coller l'usager de devant… David connaît toutes les techniques. Cela fait dix ans qu'il fraude quotidiennement dans les transports en commun parisiens. Et, dès qu'il aperçoit un contrôleur dans les couloirs ou sur les quais, il a toujours le même réflexe: se rendre sur les réseaux sociaux. "En arrivant au travail, chez moi ou même dans la rue, dès que je sors je poste un message disant 'Attention, contrôleurs à cette station de métro'", confirme-t-il sur RMC.

"Si on peut les aider…"

Si comme David vous avez l'habitude de prévenir les autres usagers de la présence de contrôleurs, via Twitter, Facebook ou via certaines applications communautaires comme "Check my metro", prenez garde. En effet, ce mercredi le Sénat doit voter la proposition de loi sur la sécurité dans les transports en commun. Ce texte comprend un volet de lutte contre la fraude qui représente chaque année 500 millions d'euros de manque à gagner pour la SNCF et la RATP réunies.

Or, si la loi est adoptée, signaler la présence de contrôleurs sera désormais considéré comme un délit et sera puni d'une peine de deux mois de prison ferme et d'une amende de 3.750 euros. Dans le cas de David, il l'assure s'il utilise l'application "Check my metro", c'est d'abord pour ne pas se faire pincer. Mais aussi pour aider les autres usagers: "Je le fais pour les gens qui n'ont pas les moyens, ceux qui n'ont pas de subventions de transports. Pour eux, c'est très difficile car ils ont des salaires souvent très faibles. Si on peut les aider à s'en sortir un peu…"

"Une loi liberticide"

Si la loi est adoptée, David pourra donc être sanctionné de deux mois de prison et 3.750 euros d'amende. Une peine insensée selon Benjamin Suchar, le fondateur de l'application "Check my metro": "C'est une loi disproportionnée et liberticide. Il va être plus sévèrement puni le fait de signaler la présence de contrôleurs que de frauder ! C'est complètement hallucinant !" De son côté, le député socialiste Gilles Savary, rapporteur de la loi, entend bien frapper fort avec ce texte de loi. "Les applications caractérisent l'intentionnalité de la fraude et même de l'encouragement à celle-ci, estime-t-il. Ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est que des gens en cols blancs s'organisent pour frauder systématiquement".

Et d'ajouter: "Ce sont des gens qui sont solvables mais qui considèrent qu'ils ont mieux à faire que de mettre leur argent dans le service public. Il faut donc mettre fin à ce nouveau comportement, celui de la gratuité. Pour cela, il faut des sanctions dissuasives". Gilles Savary en est toutefois conscient: cette sanction ne réglera pas le problème de la fraude.

Maxime Ricard avec Benjamin Smadja