Des profs d'anglais pour enseigner... le français? Face à la pénurie, l'académie de Dijon expérimente

Des professeurs de mathématiques vont-ils un jour devoir donner des cours de... français ? Pour lutter contre la pénurie de main d'oeuvre dans cette matière, le rectorat de l'Académie de Dijon veut solliciter, dans ses collèges et lycées, des enseignants d'autres disciplines.
Le tout, à deux conditions: ils doivent avoir suivi des études littéraires à un moment dans leur parcours et passer un oral de 30 minutes. Dans ce cas, ils pourront effectuer des remplacements temporaires.
Une proposition qui ne fait pas l'unanimité à Dijon.
Des heures de retard
Pourtant, les élèves de la ville sont nombreux à cumuler les heures de retard en français, à cause de leur professeur. "Parfois des absences sur trois semaines, même sur un mois...", raconte une élève. "C'était tout de même un gros manque", rapporte un autre à notre micro.
Les deux élèves de troisième ne sont pas pour autant emballés par l'idée de faire appel à des enseignants volontaires d’autres matières : "C'est toujours ça de gagné, mais il faut tout de même un prof de Français", répondent-ils.
"Si ce n'est pas un prof de français, je trouve que ça ne sert à rien. Un prof de maths qui nous fait du français, il n'a pas toutes les bonnes connaissances".
Devant l’établissement scolaire, cette mesure laisse aussi les parents dubitatifs. "C'est un peu du bricolage de faire ça", réagit une maman d'élève, "il faut surtout former plus d'enseignants dans ces matières-là".
"Si c'est une discipline qui peut s'approcher un peu du français, pourquoi pas. Mais il ne faut pas que ça soit une discipline totalement opposée", répond un autre parent. "C'est du dépannage, il ne faut pas que ça devienne pérenne", réclame une maman.
"Dénaturer la discipline"
Pour rejoindre le dispositif, les enseignants devront remettre un rapport écrit sur leur parcours avant un entretien oral devant un jury d’inspecteurs pédagogiques régionaux. Pas suffisant pour Philippe Bernard, co-secrétaire académique du syndicat SNES-FSU à Dijon.
"Ce n'est pas le même métier, ce n'est pas les mêmes attentes, les mêmes compétences", proteste le responsable syndical. "Il y a des contenus disciplinaires qui sont très exigeants quand même. On ne doit pas dénaturer la discipline", ajoute-t-il.
De son côté, l’Académie rappelle qu’il s’agit bien d’une expérimentation. Le dispositif, baptisé sobrement "Enseigner le français", sera sans doute mis en place courant 2026.
En 2025, seuls 702 candidats étaient admissibles au concours de lettres pour 669 postes ouverts, un chiffre trop bas pour espérer pourvoir tous les postes après les épreuves orales. Un phénomène qui se répète depuis 2022.