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Éducation

Slogan du Medef: "C'est clairement méprisant pour nous, les profs"

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"Si l'école faisait son travail, j'aurais un travail"… Le nouveau slogan du Medef a provoqué un tollé dans l'Education nationale. A tel point que le ministre Jean-Michel Blanquer a demandé le retrait de cette campagne de communication. Christophe Cailleaux, professeur d'histoire-géo, trouve le slogan choquant, mais estime que cette offensive du patronat sur l'école publique n'est pas nouvelle.

Christophe Cailleaux est professeur d'histoire géographie dans un lycée de Dijon.

"J'ai découvert ce slogan du Medef en fin d'après-midi sur Twitter. Le Medef a franchi là certaines limites, mais ça ne m'étonne pas plus que ça. C'est clairement méprisant, même s'ils disent que c'est une blague. Ils disent que les profs ne font pas leur boulot. Hélas, on est habitués, c'est un 'ronron' qu'on entend souvent. Mais là, c'est vraiment une prise de parole institutionnelle du Medef.

Parmi mes collègues, la réaction a été unanime. Dans un premier temps, la plupart ont cru que c'était un fake. Mais si, ils ont osé. Et là ils ont été choqués, parce que c'est insultant. Et pas seulement envers les profs mais envers toute la communauté, les CPE, les infirmières, tous les gens qui travaillent dans l'éducation. En une phrase, on leur dit qu'ils ne savent pas faire. C'est un peu violent.

Quand on attaque l'école publique et qu'on dit que l'entreprise, elle, sait faire, c'est une attaque idéologique pour prendre le contrôle de l'école. Cela dénote une offensive du patronat sur l'éducation publique et notamment sur l'enseignement professionnel. Ce n'est pas anodin, ce n'est pas un coup qui est parti sans trop le vouloir.

Si on regarde un peu sur les sites qui parlent d'EdTech, ces start-ups de l'éducation, on se rend compte que le discours qui est tenu est que l'école est malade, rétrograde et qu'il est temps de la changer. Et que ceux qui vont la changer, ce sont les entrepreneurs qui vont faire une éducation qui sera bien meilleure.

"C'est encore une fois pour taper sur les fonctionnaires"

Le Medef dit maintenant qu'il ciblait l'institution et non pas les profs, mais l'institution est aux petits soins avec le patronat, parce qu'il y a de plus en plus de journées école-entreprise, de plus en plus d'initiatives dans ce sens-là. Donc ils visent très clairement les profs et les fonctionnaires, c'est médiatique et purement idéologique. C'est encore une fois pour taper sur les fonctionnaires, c'est aussi simple que ça.

Je suis persuadé qu'avec Macron, le Medef aura encore plus de poids sur l'éducation. Ce que l'on voit, c'est qu'il y a des tas de portes d'entrée de l'entreprise dans l'éducation publique. Leur cible pour le moment, c'est l'enseignement professionnel. Mais quand on sait ce qu'il se passe dans l'enseignement professionnel, quand on sait comment fonctionne l'apprentissage et à quel point les patrons ne jouent pas le jeu, c'est de l'hypocrisie. Je vois certains élèves qui arrivent en seconde générale alors qu'ils ont demandé à être en filière professionnelle. On leur a refusé parce qu'ils n'ont pas trouvé de patron. Je vois des parents furieux qui me disent que les patrons leur disent qu'ils n'ont pas le temps pour un apprenti. Il y a une vraie hypocrisie, au niveau local avec les patrons et au niveau national avec le Medef.

Le Medef a engrangé plus de 20 milliards d'euros avec le CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et n'ont pas créé beaucoup de nouveaux emplois. Et après ils vont donner des leçons aux autres".

Propos recueillis par Paulina Benavente