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"Expliquez-nous": l’Etat a-t-il abandonné les banlieues?

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Les policiers posent la question après l’attaque au mortier dont ils ont été victime dimanche à Grigny. Des maires de Seine Saint Denis, vont porter plainte contre l’état pour "rupture d’égalité".

Laissez-moi d’abord vous décrire ce carrefour, bien pourri, où il ne fait pas bon laisser un policier dehors. D’un côté de la quatre-voies, c’est la cité de Grigny et c’est là que dimanche, des policiers ont été pris à parti par des dealers qui ont tiré à tirs tendus avec une sorte de mortier artisanal.

De l’autre côté de la route, c’est Viry-Châtillon et c’est là que deux policiers avaient failli brûler vifs dans leur voiture fin 2016. Les dealers avaient mis le feu pour empêcher la police de surveiller une caméra de surveillance.

Ce carrefour et cette cité de la Grande Borne sont un gros point de trafic de drogue, un des plus importants de la région parisienne. C’est un QRR, un Quartier de Reconquête Républicaine.

Cette reconquête républicaine, invention de Gérard Collomb, passe théoriquement par des moyens supplémentaires. En l'occurrence une brigade une BST, une brigade spécialisée de terrain, ce sont des policiers en tenue de maintien de l’ordre avec des fourgons blindés. Cette brigade de Grigny, vient de recevoir 16 fonctionnaires en renfort, ce qui a quasiment doublé les effectifs. Ce n'est pas rien.

100 postes perdus

Mais dans le même temps la BAC a été supprimée et les effectifs du département ont perdu 100 postes. Soit l’équivalent d’un commissariat. Si bien que les policiers de l'Essonne avec j’ai parlé hier m’ont expliqué que désormais, les patrouilles se font avec 6 personnes dans deux voitures au lieu de neuf policiers dans trois voitures. Et on comprend facilement que c’est beaucoup plus dangereux.

La semaine, ça peut aller, ont-ils expliqué, mais le week-end, rien ne va plus, et les dealers le savent. Les syndicats mettent en cause la politique du préfet de Police qui donne systématiquement la priorité à Paris au détriment des banlieues.

C’est ce que dénoncent des maires de Seine-Saint-Denis. Les maires de Saint-Denis, de L’Ile-Saint-Denis, de Stains, d'Auberviliers et de Bondy vont porter plainte contre l’Etat pour rupture d’égalité. Et ils ont des arguments: pour rester dans le domaine des effectifs de police, il y a à Paris un policier pour 300 habitants, en Seine-Saint-Denis un pour 520. Presque deux fois moins de policiers en banlieue qu’à Paris, à population égale.

Des inégalités dans tous les services publics

Un rapport parlementaire de l’année dernière soulignait que ces inégalités concernent tous les principaux services publics. Au tribunal de Bobigny, il faut 12 mois en moyenne pour obtenir un jugement, contre deux à Paris. Il faut tout de même souligner que la situation au tribunal de Bobigny est moins explosive qu’il y a trois ans. Des renforts de magistrats sont arrivés.

Mais prenons l’éducation nationale: en moyenne en Seine-Saint-Denis, un élève au cours de sa scolarité va rester un an sans prof à cause du non remplacement des profs absents. Le nombre d’enseignants non titulaires est trois plus élevé qu'à Paris. Même s'il faut signaler le dédoublement des classes en CP et CE1 qui est un vrai progrès.

 Un dernier exemple dénoncé par le rapport des députés: Aubervilliers, une des villes les plus pauvres de France, un taux de pauvreté de 44%. Aubervilliers disposait d’un centre de sécurité sociale depuis 1945. Il vient de fermer ses portes.

Nicolas Poincaré