"Le microcosme parisien": pourquoi cette expression n'a pas de sens

Paris, c’est fini. Dire du mal de la capitale, c’est le nouveau populisme à la mode. Comme s’il suffisait de dire du bien de la province pour être quelqu’un de bien. Comme s’il y avait, d’un côté, des Parisiens feignants et corrompus, et de l’autre, des provinciaux vertueux et travailleurs.
Mais c’est en réalité vieux comme le monde d’accuser Paris d’être responsable de tout et c’est typiquement français. L’opposition entre ville et province existe partout. En revanche, l’opposition entre une seule ville et tout le pays, c’est seulement chez nous.
En Italie, le nord, riche et industriel, méprise le sud, plus populaire. Mais Rome n’est pas la seule grande ville. Et les habitants de Milan ne se sentent pas moins stylés que ceux de Rome. Pareil en Espagne. Barcelone est aussi prestigieuse que Madrid. Idem en Allemagne: être munichois, c’est aussi cool qu’être berlinois.
L’explication est simple: ces pays ont des régimes politiques d’inspiration fédéraliste, c’est-à-dire où les régions ont beaucoup de pouvoir et d’indépendance. Il n’y a que l’Angleterre qui a le même problème que nous: Londres concentre toutes les critiques, exactement comme Paris.
Comment l’expliquer?
Le point commun de la France et l’Angleterre, c’est que ce sont les premiers en Europe à s’être constitué en Etat-Nation. C’est-à-dire à avoir à peu près les frontières qu’ils ont aujourd’hui. Et avec un peuple qui se sent à peu près appartenir au même pays.
Cette unité a eu lieu au XVe siècle, soit trois siècles avant la plupart de nos voisins. Et forcément, cette centralisation s’est faite autour d’une capitale qui concentrait tous les pouvoirs. Donc au détriment des régions. Et à partir de là, il y a une méfiance pour Paris qui s’est installée.
Mais c’est vrai que le modèle n’a rien d’une évidence. Et d’ailleurs, nos rois ne passaient pas leurs vies à Paris. Ils passaient même leurs temps à se déplacer d’une ville à l’autre, dans tout le pays, justement pour maintenir l’unité du royaume et montrer qu’ils oubliaient personne. Mais à partir du XVIIe siècle, ils se fixent à Paris puis à Versailles. Même après la chute de la monarchie, le pouvoir républicain ne quittera plus Paris. Ça s’appelle le jacobinisme. Et en réalité, on n’en est toujours pas sorti.
Depuis, il y a eu des lois de décentralisation, mais ça n’a pas changé les mentalités. Parler de microcosme parisien, c’est ridicule. Il y a aussi des microcosmes à Marseille, à Lyon ou à Dijon. Le problème, ce n'est pas Paris, c’est la colère contre l’État qui est effectivement à Paris. Donc, on va commencer par améliorer l’État avant d’accuser la ville qui l’incarne.