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Ramadan et sport: faut-il instaurer une pause en cours de match pour rompre le jeûne?

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Le ramadan a débuté le 22 mars et se poursuit jusqu'au 21 avril. Les sportifs qui suivent ce mois de jeûne lié à la religion musulmane rompent leur jeûne au coucher du soleil, parfois en plein match. La question d'une pause officielle fait débat.

Peut-on interrompre les matchs de foot quelques minutes au moment de la rupture du jeûne du ramadan ? La Fédération française de football s’y oppose et la question fait maintenant débat, même si la FFF dénonce une "polémique stérile".

Tout est parti d’un mail envoyé jeudi dernier par la fédération à tous les arbitres. Il rappelle en termes très fermes qu’interrompre un match pour laisser les joueurs musulmans s’hydrater et manger un peu à l’heure de la rupture du jeûne est contraire aux statuts de la fédération. Des statuts qui énoncent à l'article 1 alinéa 1: "La fédération défend les valeurs fondamentales de la République et empêche toute discrimination". Sont interdits tout discours ou affichage à caractère religieux, tout acte de prosélytisme ou de propagande, toute manifestation d’une appartenance religieuse.

Et le mail cite aussi la charte éthique et de déontologie du football qui proclame qu'un stade est un lieu de neutralité où prime l’égalité et la fraternité. Voilà donc les arguments de la fédération pour interdire cette pause à caractère religieux.

L'éternel débat sur le sens de la laïcité relancé

C'est un éternel débat français, et presque uniquement français. La loi de 1905 a décrété la séparation des églises et de l'État, et donc par extension de la Fédération française de foot qui a une délégation de service public. La fédération a donc une obligation de neutralité vis à vis des religions.

Mais la loi sur la laïcité garantit aussi aux croyants et au non croyants le même droit à la liberté d’expression de leur religion. Et cela se retrouve dans la Constitution, qui dispose que la République est laïque, et qu’elle respecte toutes les croyances. Au nom de cette lecture-là de la laïcité, l’interdiction des pauses ramadan pourrait donc être contestée.

Comment ça se passe à l’étranger?

En Angleterre, depuis deux ans, ces pauses à la rupture du jeûne sont tolérées. Au coucher du soleil, c’est à dire en ce moment à 20h27, le match peut être interrompu quelques instants, et ils le sont souvent y compris en Premier League, c’est à dire au plus haut niveau. Et c’est notamment un joueur français, Wesley Fofana, qui s’est battu pour instaurer cette pratique en Grande-Bretagne

Aux Pays-Bas, pour la première fois cette année, ces pauses sont autorisées. En Allemagne, le patron des arbitres a pris la décision inverse du patron des arbitres français. Il soutient ceux qui veulent instaurer ces pauses ramadan. En Italie et en Espagne, il n’y a pas de règles et pas de débat, ni de polémique non plus.

Au niveau européen, l’UEFA ne s’est pas prononcée. Elle interdit toute manifestation écrite de convictions politiques ou religieuses. Mais elle n’interdit pas les gestes. Les joueurs ont le droit de faire le signe de croix en entrant sur le terrain… Et jusqu'à présent, cela n’a jamais choqué personne.

Un entraîneur peut-il écarter un joueur qui jeûne?

L’autre question qui est posée, c’est: est-ce qu'un entraîneur peut écarter un joueur parce qu’il fait le ramadan? L'entraîneur de Nantes, Antoine Kombouaré, a ouvert cet autre débat en faisant savoir qu’il n’a pas retenu dimanche un de ses joueurs, le jeune Jaouen Hadjam, parce qu’il n’a pas souhaité interrompre son jeûne le jour du match.

L'entraîneur nantais explique qu'il a six joueurs qui font le ramadan. En semaine, lors des entraînements, ces joueurs sont dispensés de la deuxième séance et du repas pris en commun.

Mais le jour du match, Antoine Kombouaré demande que les joueurs s’alimentent et s’hydratent. Il affirme que cela fait 20 ans qu’il a fixé cette règle. Dimanche à Nantes, cinq joueurs l’ont acceptée, et un l’a refusée. Il a donc manqué le match.

Un jeûne qui ne paraît pourtant pas incompatible avec une pratique sportive de haut-niveau. Karim Benzema a inscrit trois buts en quelques minutes et mené le Real Madrid à la victoire alors qu’il respecte strictement le ramadan.

Nicolas Poincaré (édité par J.A.)