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"Expliquez-nous": comment Moderna a pu concevoir un vaccin en 48h et dès le mois de janvier?

Si le vaccin Astra Zeneca est à nouveau autorisé ce soir, allez-vous vous faire vacciner demain?

Si le vaccin Astra Zeneca est à nouveau autorisé ce soir, allez-vous vous faire vacciner demain? - Crédit: Pixabay

Le vaccin contre le coronavirus de l’entreprise américaine Moderna a été conçu en 48 heures seulement. Et dès le mois de janvier.

Pour comprendre comment le vaccin Moderna a pu être réalisé en seulement 48h, il faut revenir au mois de janvier dernier. Le coronavirus n’est pas encore sorti de Chine. Les Chinois n’ont pas encore reconnu que le virus pouvait se transmettre d’homme à homme. Ils minimisent, ils mentent par omission, ils poursuivent et menacent les lanceurs d’alerte.

Mais les choses basculent le 11 janvier. Les chercheurs de l’université de Shanghai, découvrent la séquence génétique complète du nouveau virus et la publient en accès libre sur internet. Aussitôt dans le monde entier, les scientifiques peuvent commencer à travailler sur un possible vaccin.

Ce que l’on ne savait pas c’est que dans le Massachusset aux Etats-Unis tout est allé très vite. Le 11 janvier est un samedi. Avec le décalage horaire, les chercheurs de Moderna reçoivent les informations chinoises dès l’aube. Ils les chargent et font aussitôt tourner leurs ordinateurs. Et le lundi matin, les résultats sont là. La formule du futur vaccin est prête. Le patron français de Moderna, Stephane Bancel l’a confirmé : "Cette phase de recherche n’a pas duré plus de deux jours. Et la formule n’a pas été élaborée dans des éprouvettes avec des échantillons du virus, à l’ancienne, mais par des ordinateurs à partir de données chinoises"

Dès le mois de mars le labo affirmait pouvoir fabriquer un vaccin

Cela explique l'assurance de Stéphane Bancel, lors d’une réunion qui a eu lieu à la Maison Blanche le 2 mars. Donald Trump réuni tous les dirigeants des grands laboratoires américains pour leur demander quand un vaccin pourrait être prêt. Tous parlent de plusieurs années, sauf un. Stéphane Bancel, qui avec son accent français dit à Trump ce qu’il espérait entendre. Qu’un vaccin serait prêt dans quelque mois. Le conseiller de Trump, le docteur Fauci a calmé son enthousiasme en disant : "Il veut dire que l’on pourra lancer des essais dans quelque moi", mais le patron de Moderna persiste : “Non, nous serons prêts à distribuer les vaccins dans quelques mois. On était début mars. Et c’est effectivement ce qui s’est passé.

Les vaccins auraient-ils pu être prêts encore plus tôt ? 

Pas du tout. En janvier, Moderna avait isolé la bonne protéine, mais tout restait à faire. Et tout a été fait. Toutes les étapes normales ont été respectées mais pas au rythme habituel. Beaucoup, beaucoup plus vite. Le 4 mars, Moderna demande à pouvoir lancer la phase 1 des essais sur 45 jeunes patients et l’autorisation est accordée en quelque jours. Les essais démarrent à la mi-mars. Comme les premiers résultats sont bons, on lance la phase deux sans attendre, à la mi-mai sur 600 patients. Comme les premiers résultats sont bons, on lance la phase trois le 27 juillet sur 30.000 patients.

Comme les dirigeants de Moderna sont sûrs de leur coup. Ils lancent en même temps la production dans une usine suisse et dans une usine américaine.

En temps normal, on aurait fait la phase deux, puis la phase trois bien plus tard. Puis les résultats auraient été publiés. Puis les agences gouvernementales auraient pris des mois avant de donner leur autorisation. Puis on aurait construit des usines et lancé la fabrication. Et tout cela aurait pris dix ans. Là, on a tout fait en même temps.

Les résultats complets ne sont pas encore publiés 

Effectivement, c’est l’étape qui n’a pas été respectée pour le moment. En tout cas pas par Moderna, ni par Pfizer. Les données complètes avec le profil des patients testés n’ont pas fait l'objet d’une publication scientifique, comme c'est la règle. Et c’est pour cela que l’on entend des spécialistes très prudents qui refusent de se prononcer. Ils font remarquer avec raison qu’ils n’en savent pas assez pour dire si ce vaccin est dangereux ou pas.

Mais ces données, certains les ont ! Elles ont été communiquées en temps réel depuis Juillet aux agences du médicament aux Etats-Unis ou en Europe. Et l’agence britannique par exemple a jugé les résultats suffisamment convaincants pour autoriser dès cette semaine les premiers vaccins. L’agence américaine va se prononcer dans les jours qui viennent et les vaccinations commenceront dans les 24 heures. C'est-à-dire exactement 11 mois après ce week-end ou les ordinateurs de Moderna ont trouvé la formule. 

Nicolas Poincaré