Frilosité, manque d'aiguilles... Pourquoi la France est en retard dans la vaccination

On n’en a pas fini avec la polémique sur les retards de la vaccination contre le coronavirus. Le journal Le Monde publie une enquête sur les multiples raisons de la lenteur de ce débuts de campagne.
Et c’est un catalogue, une longue liste d’erreurs, d'hésitations, et de couacs qui ont abouti au scandale qui a éclaté à la veille du Réveillon: le 30 décembre, la France avait vacciné 400 personnes alors que les Allemands qui avaient commencé exactement en même temps que nous en étaient déjà à 42.000.
Aujourd’hui, les choses s'accélèrent, on a vacciné 138.000 personnes en tout au dernier bilan lundi. L’objectif annoncé reste de 1 million à la fin du mois de janvier. Mais c’est encore beaucoup trop lent, puisqu'à ce rythme il faudrait 5 ans pour vacciner tous les Français. À titre de comparaison, les Anglais visent 2 millions de vaccinations par semaine. Nous sommes un million par mois.
Est-ce que c’est parce que nous manquons de vaccins ?
Absolument pas. Le laboratoire Pfizer a tenu ses promesses et livré exactement au rythme prévu : dimanche, un million de doses étaient arrivées en France et 100.000 seulement administrées. Ce qui veut dire que 90% des doses de vaccins sont actuellement dans les frigos à l’heure ou on parle.
Et cela va encore s'accentuer puisque la France va recevoir 500.000 doses par semaine, deux millions par mois. Pour n’en administrer que la moitié dans un premier temps. Sans parler du vaccin “Moderna” qui vient d’arriver et que l'on va recevoir au rythme de 500.000 par mois. A moyen terme, il n’y a donc aucun risque de pénurie. On va au contraire avoir à gérer des stocks.
On a les vaccins mais pas toujours les seringues !
C'est une histoire hallucinante révélée par Le Monde. On attendait fébrilement les vaccins depuis des mois mais on n'a pas pensé à commander le nécessaire pour faire les piqûres. Vous avez aimé, le scandale des masques, le scandale des tests. Voici non pas le scandale des vaccins mais celui des aiguilles.
A Montauban, l'hôpital a reçu dix mille doses de vaccins mais ne dispose que de trois fois moins d’aiguilles. Le responsable de la pharmacie de l'hôpital cherche à en acquérir sur le marché, mais il n’y en a plus de disponible. A Lille, 20.000 doses ont été distribuées pour seulement 10.000 aiguilles disponibles.
Globalement, comment explique-t-on ce retard et ces lenteurs ?
Surtout par des questions de logistique. On a beaucoup décrit les difficultés de transport et de stockage de ce vaccin qui se garde à moins 70 degrés. Mais d'autres pays comme l'Allemagne et l'Angleterre ont réussi beaucoup mieux que nous à gérer cette logistique.
Il faut donc aussi chercher du côté des lourdeurs administratives françaises. Nous étions le seul pays qui exigeait une consultation médicale préalable à la vaccination.
La question étonnante de la sixième dose
Le vaccin est vendu par flacon de 5 doses, mais en fait si on l’utilise bien, si l’on fait attention il reste au fond du flacon de quoi faire une sixième dose. Et la France est le seul pays qui avait décrété par écrit que non, il était interdit d'utiliser le fond du flacon pour vacciner une sixième personne. Dimanche Olivier Veran est revenu en arrière en disant que bien sûr, soyons pragmatiques, on ne va pas jeter du vaccin. Dans un premier temps c’est pourtant ce qui avait été décidé.
Ce qui apparaît surtout aujourd’hui, c’est que le gouvernement s’est montré très frileux au départ
Le démarrage poussif a été voulu et assumé parce que les décideurs ont eu peur de deux choses. Ils ont craint les réactions des anti-vaccins, et ils ont redouté des poursuites judiciaires en cas de problème. Il ne faut pas oublier qu’au printemps dernier, la police a débarqué à l’aube pour perquisitionner les domiciles d’Olivier Véran, d'Edouard Philippe, et de Jérôme Salomon le directeur général de la santé.
Aucun responsable politique ou haut fonctionnaire de la santé n’avaient envie de se retrouver devant un tribunal si un vacciné devait mourir des effets secondaires. Il y a donc eu un consensus politique et administratif pour prendre son temps.
Et puis, on a pensé à tort, qu' en avançant lentement, on allait pouvoir rassurer les anti-vaccins. C’est l’inverse qui s’est produit. Les lenteurs, les hésitations, les précautions excessives des autorités ont conforté ceux qui se méfient de ce vaccin.
Résultat nous sommes en retard alors qu’arrive le nouveau variant et une possible troisième vague. Et il y a maintenant une grosse pression de l’opinion pour que l’on accélère.
Une suggestion : et si on ouvrait les centres de vaccination 24h sur 24 comme en Israël ?