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Santé

Mayotte: le retour du choléra inquiète, "les gens sont déjà en train de boire de l’eau croupie"

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A Mayotte, les secours redoutent une reprise de l'épidémie de choléra, qui avait fait des ravages dans l'archipel au printemps et jusqu'à l'été. Avec le passage du cyclone le week-end dernier, toutes les conditions sont réunies pour que ça reparte: pas d'eau potable, plus d'égouts, un hôpital dévasté...

Difficultés d'accès à l'eau potable, systèmes d'égouts hors service, un hôpital dévasté... Le passage du cyclone Chido a créé les conditions idéales au développement de maladies à Mayotte, comme le choléra. Une maladie qui se transmet par ingestion d'eau ou d'aliments contaminés. Une épidémie a déjà eu lieu sur l'île entre mars et juillet, elle a touché près de 200 personnes et provoqué le décès de cinq autres.

Mais la situation sanitaire s'est empirée depuis le passage du cyclone, et un retour du choléra est donc plus que probable. Ce qui inquiète les Mahorais. Fatihou Ibrahime, qui vit au nord de Mayotte, n’a toujours pas accès à l’eau. “On a eu une ouverture de deux heures, mais il n’y a pas l’eau courante”, indique-t-il. Alors certains optent pour un plan B, dans les rivières.

“Moi, j'ai beaucoup hésité, mais n'ayant pas le choix, on est allé avec ma femme pour remplir. On a vu des gens puiser de l’eau dans un puits, comme ça se faisait il y a 40-50 ans”, confie-t-il.

Un terrain "extrêmement favorable" pour le choléra

Pourtant, il sait que cette eau est un nid à bactéries et craint en la buvant d’attraper le choléra. Un risque accru sur l’île après le passage du cyclone, confirme Michèle Legeas, professeur honoraire à l’École des hautes études en santé publique. En effet, eau potable et eaux usées se sont probablement mélangées.

“D’une part, il y a peu d’eau donc tout ce qui va être hygiène ne peut pas être respecté. Et le peu d’eau qui va couler risque d’avoir été contaminée. Donc pour les virus ou les bactéries, qui se plaisent à une transmission qu’on appelle fécale-orale et qui se plaisent dans les milieux hydriques, comme le choléra, on est sur un terrain extrêmement favorable”, juge-t-elle.

La solution, dit-elle, est d’acheminer de l’eau propre et de vacciner le plus rapidement possible.

"Les gens ont déjà soif, déjà faim"

Sinon, la situation sanitaire risque de rapidement empirer, s'inquiète Naouelle Bouabbas, dentiste à l'hôpital de Mamoudzou.

“On se sent très seuls et on a peur, explique-t-elle. Les gens ont déjà soif, déjà faim. Les gens sont déjà en train de boire de l’eau croupie. On est déjà en rupture de certains médicaments. On craint aussi une flambée des épidémies. On part déjà d’un niveau catastrophique. Et rajouter une crise aussi grave sur un territoire qui n’a pas les infrastructures, qui n’a pas les moyens, ça nous laisse présager le pire. On a besoin d’aide parce que là, on est abandonnés à nous-mêmes. Je ne sais pas ce qu’ils attendent. On est déjà en train de crever."

Marion Gauthier et Amélie Courtet avec Guillaume Descours