Un médecin qui assume avoir “aidé des patients à mourir” dénonce l'hypocrisie autour de la fin de vie

Le médecin hospitalier Didier Peillon affirme avoir pratiqué deux euthanasies en dehors du cadre légal. Dans son ouvrage intitulé “Ces malades que nous aidons à mourir”, il décrit avoir abrégé les souffrances de patients en fin de vie, dont un quadragénaire atteint d’un cancer ORL récidivant, en proie à une agonie brutale.
"Ce sont des faits qui datent de plus de 30 ans, que je raconte, où un patient de 40 ans en train de s'étouffer dans son sang. Je l'ai vécu qu'une fois, un patient en train de s'étouffer dans son sang, et c’est d’un effroi incommensurable, une vision d’épouvante. Est-ce que vous pouvez imaginer qu'on abandonne un patient?", questionne-t-il ce mardi sur RMC.
Assumant pleinement ces gestes, le praticien affirme qu’il “referait” la même chose dans des circonstances similaires. "On était avec l'ORL, qui n'avait aucun moyen d'agir sur cette hémorragie. Il fallait soulager cet homme en extrême urgence, sans perdre une minute, car c’était impensable de le laisser comme ça, alors on l'a endormi. Ça a accéléré le décès qui serait survenu dans les dizaines de minutes qui suivait", poursuit-il dans Apolline Matin.
"Vide juridique"
Selon le médecin réanimateur, la loi française, qui encadre la sédation profonde, mais interdit l’euthanasie active, ne prévoit aucune réponse pour les situations d’urgence, laissant les soignants dans un “vide juridique”.
"Pourquoi je parle d'hypocrisie? Parce que la loi ne fait jamais mention de décisions qu'on doit prendre en urgence. La loi prévoit une procédure que lorsque c’est prévisible et anticipable. On est dans une sorte de flou, de vide juridique".
"Ma pratique ressemble à celle de tous mes confrères, évidemment que quotidiennement, on ne pousse pas l'acharnement pour tous les patients en détresse vitale", convient le docteur, qui assure que 300.000 décès par an surviennent dans un contexte d’une limitation thérapeutique.
"Une symbolique qui ne changera rien"
Didier Peillon souligne l’écart entre le droit et la réalité des services hospitaliers, où certains praticiens anticiperaient discrètement ces cas extrêmes. Son témoignage intervient alors que la question de la fin de vie continue d’alimenter le débat public en France.
"La loi est un pas symbolique qui est gigantesque, mais ça ne changera rien pour toutes les décisions en urgence et pour les patients avec des troubles cognitifs majeurs."
"In fine, les familles nous remercient toujours d'avoir accompagné les patients, d'avoir assuré une sérénité, une absence d’angoisse et de douleurs dans les derniers moments de vie." Didier Peillon a été suspendu par l'Ordre des Médecins depuis la parution de son livre.