"Une campagne de banalisation": la nouvelle prévention gouvernementale contre l'alcool irrite

La nouvelle campagne gouvernementale contre l'alcool fait grincer des dents. Depuis lundi, des affiches, des clips ou des spots radios sont diffusés et invitent à adopter des comportements adaptés en cas de consommation d'alcool: "Boire aussi de l'eau si on consomme de l'alcool", "raccompagner ses potes s'ils ont trop bu", "garder un oeil sur ses potes en soirée", "ne pas insister si tes potes ne veulent pas consommer", font ainsi partie des conseils distribués.
Des messages qui incitent davantage à un encadrement de la consommation qu'à une réduction, au grand dam d'une partie du monde médical et d'associations qui y voient plutôt une banalisation de la consommation d'alcool, sans évoquer ses effets dangereux.
"'Buvez aussi de l'eau mais buvez!', c'est ce que j'entends dans cette campagne" déplore Amine Benyamina, le président de la Fédération française d'addictologie. "L'alcool tue" martèle-t-il, regrettant que ce risque ne soit pas clairement formulé.
"Il n'est pas question de ne pas consommer"
Même constat pour Charlotte Peyronnet, malade alcoolique, abstinente depuis deux ans et demi et auteure de "Et toi, pourquoi tu bois?". "C'est une campagne de banalisation de consommation d'alcool, mais pas une campagne de lutte. C'est adopter les bons gestes quand on consomme. Il n'est pas question de ne pas consommer", analyse-t-elle dans "Charles Matin" ce mercredi sur RMC et RMC Story.
"Le boire moins n'y est pas non plus" souligne SOS Addictions. Sans compter que d'autres campagnes de prévention, plus claires d'après Addictions France, ont été bloquées par le gouvernement. "Cette campagne, c'est juste une campagne qui donne des conseils quand on boit beaucoup, quand on fait la fête", constate Bernard Basset, le président de l'association Addictions France.
"Ces conseils ne sont pas contestables mais sont un peu déconnectés alors que l'alcool présente des risques de cancer et d'AVC. Ce sont ces risques que le lobby de l'alcool ne veut pas voir nommer parce que ces risques sont graves et il ne veut pas lier la consommation d'alcool régulière à ces risques", assure-t-il.
Le ministre de la Santé se défend
Certaines associations saluent tout de même une campagne qui ne stigmatise pas. Un message motivant, ça marche mieux, estime la Fédération Addictions. "Un message avec les bonnes pratiques, pourquoi pas", abonde Charlotte Peyronnet. "Moi à 30 ans, je n'ai pas eu le choix que d'arrêter l'alcool. J'aurais eu, jeune, un message me disant de ne pas boire, je ne pense pas que je l'aurais écouté. Mais là, c'est un peu gros, on banalise la consommation excessive", déplore-t-elle.
Charlotte Peyronnet rappelle que l'on peut être alcoolique "sans boire seul, sans boire tous les jours ou par un enchaînement d'occasions". "La seule manière de soigner l'alcoolisme, ce n'est pas une goutte d'alcool", ajoute-t-elle.
De son côté, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau se défend et explique que "la santé publique, c’est définir des priorités et choisir des messages". "Ils peuvent se discuter bien sûr", reconnaît-il.