Radars : cafouillage au gouvernement

La confusion du gouvernement sur les mesures en matière de radars est proche de l'amateurisme. Ce cafouillage est en réalité le reflet d'une bataille en coulisses entre François Fillon et Claude Guéant.

Retour sur les coulisses de ce cafouillage gouvernemental sur les radars. On enlève les panneaux, on les remplace, on ne les enlève plus, on les enlève quand même… Mais que s’est-il passé au gouvernement ?
C’est vrai, tant d’amateurisme cache sans doute autre chose… Et de fait, on a assisté à une bataille en coulisses entre le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur. Une bataille d’influence et d’égo qui n’est pas rare sous la cinquième république. Souvenez-vous de Dominique de Villepin et son ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy…

Cette fois-ci la bataille oppose François Fillon à Claude Guéant. Que s’est-il passé ? François Fillon tient bon mardi matin au petit déjeuner de la majorité à l’Elysée autour du président, après la lettre ouverte de 80 députés : « Nous ne cèderons pas aux 80 députés. La sécurité routière est notre priorité. Or les Français relâchent l’attention. Les accidents augmentent. Le nombre de tués aussi. »

Deux heures plus tard, lors de la réunion du groupe UMP à l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur prend la parole, pour dire le contraire. Aux députés frondeurs, il promet un moratoire dans le démontage des panneaux : « 36 panneaux ont déjà été démontés, il n’y en aura pas un de plus avant concertation locale ». Et, à terme, il évoque leur remplacement par d’autres dispositifs, des radars pédagogiques placés en amont, à la place des anciens panneaux ou plusieurs kilomètres avant.

Et les Français n’y comprennent plus rien. Pourquoi le gouvernement parle-t-il deux langages différents ?

Parce que le ministre de l’Intérieur prend son autonomie. Qu’il ait ou non obtenu le feu vert de l’Elysée importe peu. Il estime que dans son champ de compétence il n’a pas à obtenir le feu vert de Matignon, de François Fillon, celui qu’il relayait au rang de collaborateur du Président, lorsqu’il était lui-même secrétaire général de l’Elysée.
Claude Guéant fait de la politique maintenant. Il veut sortir de l’image du techno de l’Elysée. Il commence sa carrière politique et il veut se mettre les députés dans la poche. Mission réussie si on en croit la réaction de certains députés mardi : « Vous êtes un grand ministre », lui a lancé Philippe Meunier, député du Rhône.

Et que dit Nicolas Sarkozy, le patron ?

Le patron, c’est Ponce Pilate. Il a donné l’impression de s’en laver les mains, de renvoyer ses deux ministres dos à dos. Certes, il a pris la parole en conseil des ministres hier, remettant tout le monde à sa place : « il faut savoir si nous sommes des politiciens ou des hommes d’Etat ».
Mais autour de la table, tout le monde a eu l’impression qu’il mettait Fillon et Guéant dans le même sac, comme on réprimande deux enfants qui se chamaillent. Le Premier ministre, convaincu que c’est l’autre qui a commencé, était furieux d’être mis dans le même sac.

Alors au final, que se passe-t-il sur les radars ?

François Baroin, le porte-parole du gouvernement, a expliqué hier au point de presse qui suit le Conseil des ministres : « les panneaux avertisseurs continueront d’être supprimés »…
« Baroin nous prend vraiment pour des cons ! Y en a marre des incohérences du gouvernement », réagit aussitôt Yannick Favennec (député UMP de la Mayenne - Ndlr) sur Twitter.
Il a fallu encore la séance des questions dans l’après-midi, pour avoir une synthèse soigneusement co-écrite par le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur. Claude Guéant lit ses notes : « les panneaux seront retirés… mais après l’avis d’une commission locale. En même temps seront déployés les radars pédagogiques, de façon aléatoire, devant les radars fixes ». On hésite entre Coluche et Raymond Devos… Pardon, François Fillon et Claude Guéant.

Ecoutez ci-dessous « Les coulisses de la politique » de ce jeudi 26 mai 2011 avec Christophe Jakubyszyn et Jean-Jacques Bourdin :

Christophe Jakubyszyn