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Tony, dépanneur: "Des clients nous engueulent, pensant qu'on se fait du beurre sur leur malheur"

Le coût d'un dépannage sur l'autoroute? 123,90 euros en tarif règlementé (photo d'illustration).

Le coût d'un dépannage sur l'autoroute? 123,90 euros en tarif règlementé (photo d'illustration). - Jeff Pachoud - AFP

Il est celui que l'on ne veut surtout pas croiser sur notre route. RMC.fr a recueilli le témoignage de Tony, dépanneur sur l'A71, qui sait qu'il ne va pas chômer lors de ce grand week-end de retours de vacances.

Tony Vito, dépanneur au garage Chauvin, à Montmarault (Allier). Agréé par la société d'autoroute APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône), il dépanne les automobilistes et routiers sur l'A71 et la N79 sur le secteur Montmarault - Montluçon (23 kilomètres). Il pratique les tarifs règlementés: 123,90 euros de frais de dépannage.

"Sur un week-end comme celui-là, de grand retours des vacances, on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé. Mais en moyenne, on doit effectuer une trentaine de dépannages par jour. Vu qu'on est trois à opérer, ça fait 90 dépannages. Bref, on n'arrête pas. On doit être disponible 24h/24. On a trois portables, avec des opérateurs différents, pour être joignables tout le temps. Pour conserver l'agrément d'APRR, on doit respecter un cahier des charges précis avec par exemple l'obligation d'intervenir en 30 minutes maximum.

"Les services d'assistance nous laissent nous débrouiller seuls"

On reçoit un appel de la société d'autoroute ou des gendarmes. Quand la panne a lieu sur l'autoroute, c'est plus facile car on nous indique le point kilométriques (PK) exact, on sait où on va et dans quel sens. Sur la nationale, c'est plus compliqué. Notre priorité une fois sur place, c'est de mettre en sécurité les clients, qu'ils mettent les gilets et s'éloignent le plus possible de la route. On essaie de réparer sur place, sinon on enlève le véhicule et on prend en charge les clients.

On ne fait pas que dépanner la voiture, il y a vraiment un suivi derrière: une fois arrivé au garage on décharge le véhicule et on contacte l'assistance pour que les clients soient rapatriés. Les clients choisissent s'ils veulent que leur véhicule réparé soit livré dans un garage ou une concession de leur choix. Donc il faut les appeler, et puis après il y a l'attente du taxi… En ce moment tout le monde est débordé donc souvent les assistances nous laissent nous débrouiller seuls pour trouver le garage de livraison du véhicule et le taxi.

"Des cartes postales pour nous remercier"

En interventions, on a de tout et on en voit parfois de belles. Il y a les clients qui ne sont pas contents parce leur voiture est récente, parce que ça leur gâche les vacances. Donc quand on arrive, on absorbe leur colère. On se fait engueuler. Ils ont l'impression qu'on se fait du beurre sur leur malheur. Après, il faut les comprendre, ils travaillent 11 mois dans l'année pour se payer des vacances, ils doivent arriver à l'heure pour prendre leurs locations de vacances, il y a des bateaux à prendre, les enfants qui s'impatientent…

Et puis il y a les gens qui nous accueillent à bras ouverts parce qu'ils vont pouvoir être évacués. C'est arrivé que des gens fassent un crochet pour venir au garage pour nous saluer quand ils repassent l'année suivante. D'autres qui nous envoient des cartes postales ou des mails pour nous remercier. C'est plaisant et gratifiant, on se dit qu'on a été utile. C'est ça qui me plaît dans ce métier.

"Parfois, on se fait peur en intervention"

C'est un métier dangereux. Quand on est sur le bord de la route, croyez-moi on se rend compte de la vitesse. Parfois c'est chaud. Quand on est sur la bande d'arrêt d'urgence et qu'une voiture vous frôle à 130, ça fait bizarre. Et les poids-lourds, ça secoue… Il faut travailler vite, être très rapide tout en regardant l'environnement, et ne pas abîmer la voiture en l'accrochant à la dépanneuse. Parfois on se fait peur. Intervenir avec efficacité et rapidité plusieurs fois d'affilée nécessite de rester sur le qui-vive, parce qu'à un moment s'installe une petite routine et c'est là que l'attention baisse et qu'on peut faire des bêtises: ne pas faire attention à une voiture qui arrive en remontant dans la dépanneuse ou quand on manoeuvre.

On a des bandes réfléchissantes, des gyrophares, mais les gens roulent sans se poser de questions. Fréquemment, il y a des automobilistes qui nous klaxonnent en passant à côté, parce qu'ils estiment qu'on les gêne. Je n'ai jamais eu d'accident, mais des dépanneurs fauchés cela arrive. J'en parle à mes gars, je leur mets la pression pour qu'ils soient toujours sur le qui-vive, jamais dans la routine."

Propos recueillis par Philippe Gril