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Des chercheurs franco-suisses font remarcher un paraplégique par la pensée

C'est d’une prouesse aussi bien technologique que médicale: une équipe de chercheurs franco-suisse est parvenue à faire marcher un patient paraplégique grâce à la pensée. Une première mondiale.

C'est un vrai miracle mais purement scientifique et technologique. Gert Ian Oskam, un néerlandais de 40 ans, a eu un accident de vélo qui l’a laissé paralysé, il y a 12 ans. Aujourd'hui, il peut marcher à nouveau, se lever, monter un escalier, boire une bière au comptoir, grâce aux travaux d’une équipe du CEA-Leti de Grenoble, de l’EPFL de Lausanne, de l’Université de Lausanne et du CHU vaudois.

Le principe de cette technologie, c’est que ces chercheurs sont parvenus à rétablir la communication, à faire une sorte de pont numérique entre le cerveau et la moelle épinière endommagée, en passant par une interface cerveau-machine. C'estun dispositif très complexe capable d’analyser en temps réel les signaux électriques envoyés par le cerveau quand on a l’intention de se déplacer et de les transformer en mouvement.

Plusieurs opérations et système complexe

Plus précisément, ce monsieur a été opéré plusieurs fois. D’abord on lui a installé un implant cérébral à la surface du cerveau, un petit appareil capable de détecter l’intention du mouvement. Cette information, qui va être décodée par un ordinateur est envoyée, à un autre appareil, un neurostimulateur, installé dans le dos et connecté à 16 électrodes qui sont placées au niveau de la moelle épinière qui contrôle les mouvements des jambes.

L’implant cérébral décode l’intention, le neurostimulateur dans le dos active les muscles. C'est comme cela qu'une personne paralysée peut marcher à nouveau par la simple force de la pensée. Le patient peut gérer l’amplitude des mouvements, la hauteur des pas, donc monter un escalier ou marcher sur un terrain accidenté.

C’est évidemment extrêmement prometteur et porteur de promesses pour toutes les personnes en situation de handicap. Selon les chercheurs, ce même genre de dispositif pourrait être adapté pour restaurer des fonctions des bras et des mains mais aussi pour des paralysies provoquées par des AVC par exemple.

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Le travail de plusieurs années

Mais il ne s’agit pas non plus de donner de faux espoirs. Sur la vidéo publiée, il y a encore du travail: les pas sont hésitants, le patient s’appuie sur un déambulateur. Aujourd’hui, Gert peut marcher 200 mètres et se tenir debout sans les mains deux à trois minutes mais il faut quand même se concentrer sur chaque pas. On n’est pas encore dans une marche intuitive, instinctive comme une personne valide.

On ne parviendra probablement pas non plus, même avec de la rééducation, à retrouver des mouvements aussi naturels et rapides. Pour en arriver à ce résultat, il y a eu plusieurs années d’expérimentations, plusieurs opérations chirurgicales. Il faut aussi calibrer l’interface et l’algorithme avec l’aide du patient. Tout cela prend beaucoup de temps et de l’argent. Il va aussi falloir que cette technologie soit validée cliniquement miniaturisée, notamment l’ordinateur qui se porte dans le dos et qui est très encombrant et remboursée par les assurances. Cela va prendre des années.

Il pourrait y avoir d'autres applications pour ce genre de technologie en dehors de la santé. Des chercheurs se sont amusés à utiliser leur technologie pour permettre à leur patient de contrôler un drone par la force de la pensée. Beaucoup d’expérimentations de ce genre ont lieu comme allumer ou éteindre une lampe à distance ou changer de chaîne en se concentrant, ou même contrôler un personnage dans un jeu vidéo. Des technologies dignes d’un maître jedi dans Star Wars qui vont poser des questions technologiques mais aussi éthiques. Quelle est la frontière entre homme réparé et homme augmenté? Entre l’humain qu’on va guérir grâce à la technologie et celui auquel on va donner des superpouvoirs?

Anthony Morel avec MM