Fin des badges bleus d'authenticité: pagaille sur Twitter, qui fait sa mue tous azimuts

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Twitter contre une décision de la cour d'appel de Paris lui imposant de détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne, rendant cette décision définitive - Constanza HEVIA © 2019 AFP
Le réseau social Twitter a franchi une nouvelle étape depuis son rachat par l'excentrique milliardaire Elon Musk. Depuis ce vendredi, c'est la fin des badges bleus de certification, gages d'authenticité et de notoriété. La plateforme a enfin mis la menace d'Elon Musk à exécution et retiré le badge à ceux qui refusent de payer.
Des comptes de personnalités comme Cristiano Ronaldo, Lady Gaga, Booba ou encore des journalistes et professeurs se sont ainsi vu amputés de leur badge bleu, qui permettait de vérifier leur identité.
De nombreux élus et politiques l'ont également perdu, comme Jordan Bardella, Jean-Luc Mélenchon ou encore Raphaël Glucksmann. D'autres ont obtenu dans la foulée la coche grise, réservée aux comptes du gouvernement ou de certaines organisations. Ainsi, le député de la Nupes Antoine Léaument était toujours identifiable grâce à son encoche grise, contrairement à sa collègue, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot.
Tout ces comptes amputés de leur badge bleu font désormais face à un risque d'usurpation d'identité.

Le badge bleu coûte désormais 8$ par mois
Le badge bleu signale désormais les utilisateurs qui paient 8$ chaque mois pour avoir cette distinction et d'autres avantages de "Twitter Blue" (plus de visibilité, des privilèges techniques, moins de publicités), comme Donald Trump Junior ou le Dalaï Lama. "Je sais qu'on va me juger parce que j'ai la coche bleue, mais tant pis, j'ai besoin du bouton pour éditer mes tweets", a tweeté Marques Brownlee, un créateur de contenus suivi par 6 millions d'utilisateurs.
D'autres ont fait part de leur étonnement, comme l'auteur à succès Stephen King, suivi par 7 millions de personnes: "Mon compte Twitter dit que j'ai souscrit à Twitter Blue. C'est faux. Mon compte Twitter dit que j'ai donné un numéro de téléphone (pour l'authentification, ndlr). C'est faux", a-t-il déclaré sur la plateforme jeudi.
"Je vous en prie, namaste", lui a répondu Elon Musk. Le patron de Twitter a indiqué dans un autre tweet qu'il "payait personnellement pour quelques abonnements".
Date symbolique
"Twitter verified", le compte de l'abonnement payant à Twitter Blue, avait prévenu mercredi que le réseau social retirerait le lendemain les badges bleus obtenus avant qu'Elon Musk ne rachète l'entreprise, fin octobre, et n'impose sa vision à rebours de la précédente philosophie. "Pour rester authentifiés sur Twitter, les individus peuvent s'abonner à Twitter Blue ici", avait précisé le compte officiel.
La date n'a pas été choisie au hasard: le 20 avril, prononcé 4/20 en anglais, est synonyme de cannabis aux Etats-Unis. Et le patron de Tesla et SpaceX raffole des blagues sur ce sujet, au point d'avoir racheté la plateforme à 54,20 dollars par action.
Elon Musk a dû s'y reprendre à plusieurs fois pour lancer Twitter Blue, suscitant cacophonie et confusion. En novembre, il avait assuré vouloir "donner plus de pouvoir au peuple" et abolir "le système actuel des seigneurs et des paysans, entre ceux qui ont la coche bleue et ceux qui ne l'ont pas". "Les messages de comptes vérifiés s'afficheront par défaut", avait-il détaillé, tandis que les tweets provenant de personnes n'ayant pas payé seront traités un peu comme des "spams" sur une boîte mail - un dossier que l'on "peut toujours aller consulter".
L'abonnement doit aussi permettre selon lui de lutter contre les faux profils et les comptes automatisés, et de diversifier les revenus, alors que de nombreuses marques ont fui la plateforme.
Entre novembre et janvier, la moitié des 30 principaux annonceurs sur Twitter avaient cessé d'y acheter des espaces publicitaires, d'après Pathmatics. Les marques hésitent à dépenser sur une plateforme "où règnent le chaos, les changements arbitraires et l'incertitude", a expliqué la semaine dernière Jasmine Enberg, d'Insider Intelligence.
Selon ce cabinet d'études, les revenus de Twitter chuteront de 28% cette année. Et l'analyste ne pense pas que Twitter Blue permettra de compenser le manque à gagner. "La coche bleue n'est plus un gage de crédibilité", depuis que n'importe qui peut payer pour l'avoir, a-t-elle souligné.
"Elle représente le fait d'avoir de l'influence sur une plateforme dont la pertinence culturelle se dégrade, et le soutien à Musk. Les individus et organisations qui avaient été authentifiés auparavant n'ont pas de raison de payer, et beaucoup d'utilisateurs ne veulent pas avoir l'air de soutenir Musk", a-t-elle ajouté.
Les mentions "affilié à l'Etat" pour les médias également supprimées
Dans la foulée de la suppression du badge bleu, Twitter a supprimé les controversées mentions "média affilié à l'Etat" et "média financé par des fonds gouvernementaux" des pages de grands médias comme l'américain NPR, la National Public Radio, ou le canadien CBC.
Plusieurs comptes de médias occidentaux, de Russie, de Chine et d'autres pays qui portaient cette mention ne l'ont plus, selon ces constatations. Outre NPR et CBC, l'agence officielle chinoise Xinhua (Chine nouvelle) ou le russe RT ne portaient plus cette mention à 6H00 GMT.
"Les médias affiliés à un État sont définis comme des médias dont le contenu éditorial est contrôlé par cet État par le biais de ressources financières, de pressions politiques directes ou indirectes et/ou d'un contrôle sur la production et la distribution. Les organisations de médias financées par un État et dotées d'une indépendance éditoriale, comme la BBC au Royaume-Uni ou NPR aux États-Unis, ne sont pas définies comme des médias affiliés à un État aux fins de cette politique", pouvait-on lire sur le centre d'aide de Twitter.
Plusieurs médias, à l'instar de NPR la semaine dernière ou de la radio publique suédoise Sveriges Radio (SR) cette semaine, avaient décidé de quitter la plateforme pour protester contre ces mentions, rajoutées dans le cadre de la nouvelle politique déployée par la plateforme depuis son rachat par Elon Musk.