Je suis maire d'une commune en zone blanche: sans portable, joindre les secours, c'est compliqué

- - JACQUES DEMARTHON / AFP
Georges Lagrèze, maire sans étiquette d'Auradou (Lot-et-Garonne), commune en zone blanche.
"Auradou est une commune de près de 400 habitants, de 1.170 hectares et située dans une zone très rurale: à 120 kilomètres de Bordeaux, à 120 kilomètres de Toulouse et à 25 kilomètres d'Agen. Le problème est que toute la commune se trouve dans une vallée et que l'intensité des antennes relais aux alentours est trop faible. Les ondes n'arrivent pas à passer, du coup, personne ne capte, ou alors très faiblement.
Or, ne pas avoir de réseau de téléphonie mobile a des conséquences au quotidien. La première est que nous ne sommes joignables que sur nos lignes fixes. Moi, en tant que maire, je suis donc souvent dérangé à mon domicile, à midi ou le soir, pour régler certains problèmes. Si la commune est essentiellement habitée par des agriculteurs pas vraiment dérangés d'être en zone blanche, certains vont travailler à Villeneuve-sur-Lot ou à Agen.
"Il y a aussi des répercussions sur la vie économique de la commune"
Et s'ils sont habitués à ne plus capter une fois de retour dans le village, cela n'est pas facile tous les jours. Par exemple, s'ils ont des messages, ils ne le récupèrent qu'en allant travailler. Moi, ce matin, j'ai fait le tour de la commune. En arrivant devant chez moi je me suis rendu compte que j'avais un message. Mais je n'essaye même pas de l'écouter parce que je sais que je n'y arriverai pas. L'intensité du réseau est beaucoup trop faible.
Etre en zone blanche a aussi des conséquences quand il y a un accident ou un incendie et qu'il faut joindre les secours. Sans portable, c'est compliqué. Il y a aussi des répercussions sur la vie économique de la commune. On ne peut pas vendre notre territoire. A Auradou, il n'y a qu'une seule entreprise, joignable seulement sur la ligne fixe. Mais être situé en zone blanche a surtout des conséquences immobilières. Il y a des dévaluations de biens, des refus de vente ou d'achat. Des personnes intéressées par des maisons ont décidé de ne pas acheter en se rendant compte qu'il n'y avait pas de téléphonie mobile et que le réseau internet était très mauvais.
On nous avait promis une couverture pour la fin de l'année 2016 mais nous n'aurons rien avant fin 2017. Pour autant, cela ne sert à rien de s'énerver. Il faut savoir être patient. Les mots ont de la valeur, plus que des menaces ou des insultes. En attendant, on s'y habitue. Fin 2017 donc, ou au plus tard début 2018, nous devrions avoir de la téléphonie mobile comme me l'ont confirmé, ce jeudi encore, les opérateurs et les sociétés qui doivent prendre en charge les travaux.
"Nous ne devrions avoir que la 3G"
Pour autant, si dans les grandes communes, il y a la 4G, voire la 5G, des connexions possibles via des montres, des smartphones ou je ne sais quoi encore, nous, à Auradou, nous ne devrions avoir que la 3G. Ce sera déjà un grand pas en avant. D'autant plus que les communes limitrophes sont elles aussi en partie en zones blanches. Au total, ce sont donc 1.000 à 1.500 foyers qui seront impactés.
Internet, c'est encore un autre problème. A l'heure actuelle, pour les personnes qui sont abonnées ça a l'air de fonctionner. Mais cela ne représente que très peu de monde: à peine 3.000 personnes sur l'ensemble du département. Ce dimanche, par exemple, j'ai essayé de me connecter mais, au bout de 10-15 minutes, je n'y arrivais toujours pas. J'en ai eu marre et j'ai donc abandonné. Alors le conseil départemental s'en penché sur le sujet: notre commune devrait être équipée de la fibre optique fin 2018-début 2019".