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Mettre son corps en "pause" pendant plusieurs mois: l’hibernation humaine, bientôt une réalité

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Hiberner et se réveiller dans plusieurs mois, comme les ours ou les marmottes, ce sera bientôt possible pour les êtres humains. Des scientifiques travaillent très sérieusement sur le sujet. Mais à quoi ça servirait? Les explications d’Anthony Morel sur RMC.

C’est un grand classique de la science-fiction, d’Alien à Interstellar en passant par 2001 l’Odyssée de l’espace: l’astronaute qu’on endort dans une capsule et qui se réveille des semaines, des mois ou des années plus tard, une fois arrivé à destination. La Nasa (avec la startup SpaceWorks) et l’agence spatiale européenne travaillent sérieusement sur le sujet. Les premiers tests d’hibernation artificielle pourraient avoir lieu d’ici dix ans. L’idée serait de mettre des astronautes dans une capsule souple avec des lumières tamisées et une température basse (moins de 10°) pour faire baisser celle du corps et les plonger dans un état dit de "torpeur".

Des expériences ont déjà été menées, qui démontrent qu’on peut faire hiberner des animaux dont ce n’est pas la nature (des rats par exemple), avant de les réveiller sans aucun problème. Pour ça, on utilise un cocktail de drogues, un neurotransmetteur, qui va mettre le cerveau dans un état de torpeur. En état d’hibernation. C’est un peu comme si on appuyait sur un bouton pour mettre la vie en pause.

Ça n’a rien à voir avec le sommeil même si ça y ressemble. L’activité cérébrale se réduit drastiquement, le rythme cardiaque descend à quelques battements par seconde, la température corporelle baisse et les cellules arrêtent de travailler. Bref, le métabolisme est au ralenti: on est comme un appareil qui serait en veille. Pendant ce temps-là, on reçoit des nutriments en intraveineuse et un cathéter draine les déchets liquides. Les chercheurs imaginent qu’après plusieurs mois, on pourrait se réveiller frais comme un gardon. Et même un peu amaigri, puisqu’on perdrait en moyenne 6 grammes de graisse par jour. Un régime express!

Un vaisseau moins chargé pour aller sur Mars

Le fait d’être "en veille" ralentit le processus de vieillissement du corps humain. Mais ce n’est pas le principal intérêt. Pour les astronautes (qui seront peut-être un jour monsieur et madame tout le monde si on colonise Mars), ça va déjà éviter l’ennui d’un très long voyage (si vous vous ennuyez lors d’un long courrier, imaginez un vol de 9 mois pour aller sur Mars !), qui peut avoir des conséquences psychologiques sérieuses, type dépression… Mais ça va surtout permettre d’économiser de la place (quand on hiberne, on ne bouge pas) et des ressources.

Pour un vol vers Mars, chaque humain a besoin de 30 kg de nourriture, eau et air… par jour! Un corps qui hiberne, c’est un corps qui est en mode économie d’énergie. Il va consommer moins de nourriture, d’eau et d’oxygène, un énorme plus pour une mission spatiale. On pourrait réduire la masse d’un vaisseau de 50%. Cela permettrait aussi de conserver le corps des astronautes dans un état de forme physique proche de celui qu’ils ont au départ. Alors que s’ils restent éveillés, à cause de la micro-gravité, la forme se détériore (les astronautes perdent 20% de leur masse musculaire en un mois).

Utile en médecine

Comme souvent, les technologies développées pour le spatial vont ensuite avoir des applications pour la vie sur Terre. Dans le domaine médical, ça pourrait concerner les patients qui doivent rester très longtemps alités ou qui sont dans un coma artificiel, où le corps va se dégrader et le réveil être très long. L’hibernation artificielle pourrait être une alternative très intéressante. Les chercheurs imaginent même que ce "bouton pause" de la vie pourrait permettre de gagner du temps pour traiter une maladie, par exemple trouver LE bon anticorps pour soigner un cancer, faciliter la greffe, soigner une personne gravement blessée… Ou encore, après une crise cardiaque ou un AVC, pour aider à limiter les dommages sur les tissus. C’est comme si on pouvait ralentir le temps.

Anthony Morel