Trou de la Sécu comblé en 2017? "Marisol Touraine s'est un peu emballée"

En 2017, le régime général (maladie, retraites, famille, accident du travail) "qui affichait 17,4 milliards de déficit en 2011 sera à 400 millions de l'équilibre", se réjouit ce vendredi dans Les Echos Marisol Touraine. La ministre de la Santé assure qu'en 2017, "le trou de la sécu aura disparu". Sur RMC, l'économiste Frédéric Bizard, spécialiste des questions de protection sociale, tempère l'enthousiasme de la ministre.

"Marisol Touraine a raison de se réjouir de cette embellie, mais cette embellie risque d'être de courte durée. Les prévisions économiques pour l'an prochain se sont un peu dégradées : la croissance sera plutôt de 1,3% et pas de 1,7% comme le prévoit le gouvernement. On sait que les dépenses de santé risquent de s'accélérer car on a revalorisé le point d'indice du personnel hospitalier et parce qu'il y a une nouvelle convention médicale (augmentation de la consultation chez le généraliste de 23 à 25 euros, NDR) qui prévoit une hausse des dépenses de 950 millions d'euros.

"152 milliards de dettes sociales pour les générations futures"

Donc dès l'année prochaine vous aurez déjà une hausse garantie qui sera de près de 1 milliard d'euros en plus de la hausse tendancielle. On risque pour la branche maladie d'avoir plutôt un creusement du déficit l'année prochaine. Et on aura une sécurité sociale qui ne sera pas à l'équilibre en 2017. Si la conjoncture économique s'améliorait on pourrait envisager d'atteindre l'équilibre, mais seulement en 2018 ou 2019. Donc, non, en 2017, le trou de la Sécu n'aura pas disparu.

Et je rappelle quand même que c'est la 16e année en 2016 que le système est en déficit et que depuis 1995 on a cumulé 152 milliards de dettes sociales qui seront à rembourser par les générations futures.

"Une dégradation de la couverture santé et des retraites"

Mais retour à l'équilibre des comptes ne veut pas dire meilleure couverture en santé et en retraite pour les Français. On a plutôt une dégradation de la qualité de la couverture du risque santé, avec des soins courant moins accessibles pour la classe moyenne – notamment des soins dentaires-. On peut avoir la même réflexion pour les retraites: on sait qu'à moyen terme on va plutôt avoir une baisse du pouvoir d'achat des retraités. Donc réjouissons-nous à court terme de cette embellie des comptes, mais encore une fois, cette embellie des comptes ne signifie pas que les Français sont mieux protégés.

P. G. avec Benjamin Smadja