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Un musulman de Douai: "Avant, ils avaient tous la gueule noire, on ne voyait pas la différence"

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VOUS VOULEZ QUE ÇA BOUGE ? - Jusqu'au premier tour des régionales, le 6 décembre, notre reporter Marie Régnier parcourt la France à la rencontre des électeurs. Ce mercredi, c'est à Douai, dans l'ancien bassin minier, que RMC a recueilli les sentiments d'Azzedine et de Sadeq, deux musulmans fils de mineur.

C'est une autre époque. Celle où le travail gommait toutes les différences. Surtout à Douai, dans l'ancien bassin minier, quand il gravait sa pénibilité sur les visages, jusqu'à lisser les traits d'un fard sombre qui unissait les hommes. Au Nord, c'étaient les corons, bien sûr, mais aussi une époque "où l'on se moquait bien des origines et de la religion du voisin", se remémore avec nostalgie Azzedine, en arpentant les rues de l'ancienne cité minière avec RMC.

C'est là qu'il a grandi. "On vivait dans la maison à six enfants, avec les parents", raconte-t-il. "On allait à l'école de la mine". "Comme tous les parents avaient le même métier, ils étaient identiques. Quand ils remontaient de la mine, ils étaient tous de la même couleur: noirs avec les yeux noirs. On ne voyait pas la différence". Aujourd'hui, il n'y a plus de mines, plus de gueules noires, et on scrute le teint pour vous juger, estime Azzedine : "Maintenant tu es un arabe, et si t'es musulman c'est encore pire. Si on te voit pratiquer… les gens ne sont pas d'accord".

"Il y a ce sentiment d'exclusion"

Le regard a changé, trouve aussi Sadeq, lui aussi fils de mineur, et musulman. Surtout depuis les attentats de Paris, le 13 novembre. "Samedi matin, au lendemain des attentats, en allant déposer mes enfants à l'école, j'ai ressenti des regards qui m'ont mis très mal à l'aise, témoigne ce père de famille. Je vous laisse imaginer : vous avez un groupe de personnes, vous vous approchez et ils se taisent. Comme s'ils étaient gênés d'aborder ce qui s'était passé la veille devant quelqu'un qui est d'origine musulmane. Tout de suite ça vous renvoie à ce sentiment d'exclusion qu'on vous a renvoyé depuis toujours : vous ne faites pas partie de notre communauté, en fait. Il y a ce sentiment d'exclusion. Ce genre d'évènement nous rappelle tout de suite que nous ne sommes pas comme les autres".

Ce qu'il craint en cette période de campagne des régionales ? "Que certains hommes politiques s'emparent de ces problèmes (de terrorisme) à des fins électoralistes". Il trouve que l'heure n'est pas à la polémique. "Ils manquent à leurs devoirs de politiques. Leur rôle c'est de rassurer et de ne pas faire d'amalgame entre ceux qui ont commis ces attentats et moi". Qu'il est loin le temps des gueules noires…

Philippe Gril avec Marie Régnier