Un nouveau 21 avril, c’est effrayant… et c’est probable
Drôle d’anniversaire aujourd’hui : il y a 14 ans pile, Jean-Marie Le Pen devançait Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle de 2002. C’est un scénario dont on reparle beaucoup en ce moment. Votre parti pris : un nouveau 21 avril, c’est effrayant… et c’est probable. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Tous les sondages le disent, mais ce n’est pas qu’une affaire de chiffres. Les conditions politiques d’un nouveau 21 avril sont réunies : le discrédit du pouvoir ; les divisions de la majorité, qui font qu’il peut (qu’il va) y avoir plusieurs candidats de gauche, voire issus du PS. Et puis un FN plus fort qu’en 2002. Tout cela fait que voir Marine Le Pen au second tour ne serait plus un accident ; c’est devenu probable. Ce qui est effrayant, et même consternant – hormis ce que le FN représente –, c’est que si ça se reproduit, c’est toute l’élection qui sera vidée de son sens ; la présidentielle deviendra un scrutin à un seul tour, puisque celui qui sera qualifié en face de Marine Le Pen, quel qu’il soit, sera vainqueur. Donc le président sera élu non pas sur un projet mais sur un rejet.
Pour l’instant, le sondage Elabe pour BFMTV de ce jeudi montre aussi que Marine Le Pen inquiète une large majorité de Français (64%). Est-ce que ça ne limite pas le risque d’un nouveau 21 avril ?
Ce montre cette étude (après d’autres), c’est que Marine Le Pen séduit de plus en plus de Français, mais qu’en même temps l’idée qu’elle puisse arriver au pouvoir les effraie. Du coup, ça ne la handicape pas forcément dans un premier tour – la plupart des sondages la placent en tête ; mais ça anéantit ses chances sur un second tour parce que la peur de l’extrême-droite crée une mobilisation et un rassemblement au-delà des partis. C’est ce qu’on a vu aux régionales, où le FN, arithmétiquement, aurait dû gagner dans le Nord et en PACA, mais il a été battu. C’est une sorte de front républicain spontané. Les circonstances – et parfois la médiocrité des partis de gouvernement – font monter le FN ; mais les électeurs font barrage au FN.
Le 21 avril 2002, c’est la gauche (Lionel Jospin) qui avait été éliminée. C’est à nouveau ce scénario-là qui apparaît le plus plausible ?
Oui pour au moins trois raisons.
1. La gauche est au pouvoir, seule (en 2002, Jospin était en cohabitation avec Chirac) ; donc elle subit seule le discrédit du pouvoir.
2. La gauche est divisée, fracturée même, et les différents courants qui la composent paraissent de plus en plus irréconciliables.
3. La droite, elle, n’est pas beaucoup plus unie mais elle a l’intelligence de faire une primaire pour n’avoir qu’un candidat.
Il y a même une quatrième raison, c’est que François Hollande va tout faire pour être candidat et qu’il est, de tous les prétendants socialistes, celui qui a le moins de chance de gagner. Donc le 21 avril 2002, Lionel Jospin avait parlé d’un "coup de tonnerre" ; pour que la gauche gagne en 2017, il faudrait un sacré coup… de poker.