Un second tour sans Sarkozy en 2012 fait cauchemarder la droite

Nicolas Sarkozy, à la sortie du conseil des ministres, mercredi. La popularité en berne du chef de l'Etat et la montée en puissance du Front national dans les sondages fait craindre à la majorité un scénario qui s'apparenterait à droite à un cauchemar: so - -
par Patrick Vignal
PARIS (Reuters) - Vingt-deux avril 2012, 20h00. Les télévisions françaises annoncent que Nicolas Sarkozy est éliminé de la présidentielle dès le premier tour.
La menace de ce scénario aux allures de cauchemar pour la majorité, alimenté par la montée de Marine Le Pen dans les sondages, vient d'être brandie par François Fillon, même si l'UMP refuse toujours d'y croire.
Le souci du Premier ministre est d'éviter la multiplication des candidatures à droite pour limiter le risque de voir Nicolas Sarkozy terminer troisième et laisser un candidat de gauche et la présidente du Front national en découdre au second tour.
"Le plus grand danger pour la majorité, c'est la division", estime François Fillon dans un entretien accordé au Maine Libre, quotidien de sa région. "Imaginez qu'il y ait plusieurs candidats crédibles de la droite et du centre. C'est prendre le risque que la droite ne soit pas au second tour."
Le chef du gouvernement, qui ajoute ne pas penser qu'une telle division puisse se produire, envoie ainsi un message aux Jean-Louis Borloo, François Bayrou et autres Dominique de Villepin, qu'une candidature en 2012 pourrait tenter.
Un précédent existe et il est dans toutes les têtes, à droite comme à gauche. C'était le 21 avril 2002 et Lionel Jopsin avait échoué en troisième position au premier tour de la présidentielle. Jacques Chirac n'avait plus qu'à étriller Jean-Marie Le Pen au second tour avec plus de 82% des voix.
La perspective d'un "nouveau 21 avril", voire d'un "21 avril à l'envers", la variante évoquée par François Fillon avec un duel gauche contre FN, agite depuis des semaines le microcosme politique hexagonal à la faveur de plusieurs sondages qui donnent Marine Le Pen au second tour.
DISPERSION
Le sort de Lionel Jospin en 2002 avait été lié à la dispersion des voix de gauche sur plusieurs candidats, d'où l'avertissement lancé par le Premier ministre et les appels au "vote utile" que ne devraient pas tarder à lancer la droite comme la gauche.
Pour Stéphane Rozès, président de la société de conseil Cap, François Fillon se trompe d'objectif et occulte le vrai débat qui est que le discours de Nicolas Sarkozy, en chute libre dans les sondages, ne semble plus séduire les Français.
"La question des candidatures centristes se pose, bien entendu, mais le problème de Jospin en 2002, ce n'était pas la multiplicité des candidatures, c'était le fait que le candidat socialiste n'avait rien à dire, estime l'analyste. Jospin a été battu parce qu'il ne disait rien qui parle aux Français."
Nicolas Sarkozy est-il guetté par le même sort ? Jean-François Copé affirme que non, se démarquant ainsi une nouvelle fois du Premier ministre.
"Notre objectif n'est pas de faire de la politique-fiction, il n'est pas d'agiter des chiffons rouges, il est de travailler ensemble, rassemblés autour du président de la République", a dit mercredi le secrétaire général de l'UMP. "Je regrette que certains parlent de l'éventualité d'une défaite de notre camp."
Jean-François Copé revendique, avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy, le droit de porter le débat sur les thèmes de prédilection du Front national. Il s'oppose ainsi radicalement à François Fillon, partisan de plus de mesure.
UNE STRATÉGIE RISQUÉE
Pour Stéphane Rozès, la fracture au sein du parti majoritaire ne s'arrête pas là. La frange la plus à droite de l'UMP serait, selon lui, "dans une dynamique de 21 avril" imaginée par un conseiller du président, Patrick Buisson.
Cette stratégie risquée serait de favoriser la montée du FN en chassant sur ses terres dans l'espoir d'aboutir à un duel au second tour entre Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy que le président sortant aurait toutes les chances de remporter.
Une analyse que partage le député apparenté communiste Maxime Gremetz et que ce dernier résume ainsi: "Nicolas Sarkozy joue Marine Le Pen en deuxième position car il sait que c'est sa seule chance de gagner."
Certains à droite suggèrent que la meilleure manière pour un Nicolas Sarkozy de plus en plus impopulaire d'éviter la défaite serait de ne pas se présenter. Dans ce cas de figure, François Fillon, considéré à droite comme un meilleur candidat que le chef de l'Etat selon un sondage BVA que publiera jeudi le Nouvel Observateur, pourrait tenir la corde.
Rien ne permet cependant de douter de la loyauté du Premier ministre, qui prône l'union sacrée derrière le président. Un mot d'ordre bien reçu par les parlementaires de la majorité, comme le confirme le député UMP Claude Goasguen.
"Je ne vois pas pourquoi cette polémique commence à naître d'un remplacement éventuel d'un candidat qui serait Nicolas Sarkozy, déplore ce dernier. Nous restons sur la même ligne, qui est de dire que Nicolas Sarkozy est notre candidat naturel, que cela plaise ou non".
Avec Gérard Bon et Emile Picy, édité par Yves Clarisse