Une "rue Steve Jobs" à Paris? "Valoriser quelqu'un qui a autant grugé que lui, c'est un drôle de message"

Le maire PS du XIIIe arrondissement de Paris, Jérôme Coumet, a fait voter un projet qui prévoit de baptiser une des rues proches de la future Halle Freyssinet "rue Steve Jobs". Une dénomination qui ne plaît pas aux élus du groupe Communistes-Front de Gauche comme l'explique Jean-Noël Aqua ce samedi à RMC.fr.

"Il y a deux raisons à notre opposition à cette dénomination. La première est qu'en fait nous allons dénommer quatre rues autour de la future Halle Freyssinet. Et sur ces quatre propositions, nous estimons que la moindre des choses était de faire une répartition paritaire. Sur Paris, c'est un vrai enjeu puisque l'Histoire a souvent gommé le nom des femmes. Les noms des rues sont très souvent accordés à des hommes donc nous avons donc souligné ce problème puisque là il y avait trois hommes parmi les propositions (Eugène Freyssinet, Alan Turing et Steve Jobs, ndlr) pour une seule femme (Grace Murray Hopper).

La deuxième raison, qui est plus de fond et plus politique, est que nous estimons que l'héritage de Steve Jobs n'a pas nécessairement à être valorisé par la ville de Paris. Pour nous, Steve Jobs est indéniablement lié à la marque Apple dont on ne nie pas toutes les innovations. Mais, par ailleurs, Apple c'est quand même l'exploitation des sous-traitants pour arriver à produire à moindre coût. Apple, ce sont aussi des pratiques d'optimisation fiscale illégale.

"Le symbole est mauvais"

Pour ces deux raisons, on a donc du mal à imaginer qu'une ville engagée à gauche, comme l'est Paris, puisse donner le nom de Steve Jobs à une rue. Pour nous, les dénominations de rue doivent être des dénominations exemplaires. Il faut que ce soit des personnages que l'on a envie de valoriser. Steve Jobs est clairement un personnage contesté, dont on aura du mal à dire que son héritage fait l'unanimité. Dire que l'on va valoriser quelqu'un qui a autant grugé que lui, c'est un drôle de message. L'innovation, oui mais pas à n'importe quel coût.

Le modèle d'Apple c'est quand même des produits vendus très chers et assemblés à moindre coût avec une pression mise sur les sous-traitants. Que ce soit clair, nous ne sommes pas contre le fait de valoriser des gens qui sont dans l'industrie. Ce n'est pas ça le problème. Je répète: l'innovation, oui mais dans n'importe quelles conditions. Et il nous semble que Steve Jobs n'est vraiment pas l'exemple de l'industrie que l'on a envie de valoriser demain. Le symbole est mauvais.

"Nous allons mettre la pression sur l'Hôtel de Ville pour obtenir gain de cause"

Je signale aussi que, lors du vote, une partie non négligeable du PS avait un malaise. Pas mal d'élus socialistes se sont abstenus et même une qui a voté contre. Ce qui est assez rarissime dans le conseil d'arrondissement du XIIIème. C'est bien la preuve qu'il y a un vrai malaise à ce sujet. Nous, les élus communistes, nous proposions donc de remplacer Steve Jobs par Ada Lovelace, pionnière de l'informatique, connue pour avoir créé le premier algorithme.

L'arbitrage du cabinet de la maire n'a toujours pas été donné donc on ne va pas lâcher le morceau. Il serait donc intelligent aujourd'hui de dire 'Je vois bien la polémique. Cela divise mon propre camp, j'y mets fin'. Ce serait donc de bonne logique de retirer ce nom. Mais, en attendant, nous allons mettre la pression sur l'Hôtel de Ville pour obtenir gain de cause. Si ce n'est pas le cas, on continuera à agir car pour nous ce n'est pas anodin".

Propos recueillis par Maxime Ricard