Vallaud-Belkacem doit être jugée, non pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle fait

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Je trouve surtout qu’on parle trop de la ministre et pas assez de l’école. Manuel Valls l’a fait acclamer par les socialistes à La Rochelle parce qu’il veut faire d’elle l’une des figures de son gouvernement – c’est vrai qu’elle coche beaucoup de cases : c’est une femme, jeune, issue de l’immigration, d’origine modeste. Mais il ne faut pas que ce profil épatant devienne un piège pour elle. Ses adversaires et les réacs de tous poils la caricaturent en symbole de la bien-pensance de gauche. C’est à elle de montrer qu’elle n’est pas là que pour l’image. Parce que la politique dont l’école a besoin, elle ne doit pas être que symbolique…
Dites-le franchement : vous soupçonnez que la nomination de Najat Vallaud-Belkacem dans ce ministère ne soit qu’un coup politique ?
Elle ne mérite pas de procès d’intention – et de toute façon, il ne faut pas trop personnaliser : ce n’est pas le ministre qui fait l’école. On s’est inquiété du départ de Benoit Hamon juste avant la rentrée : ce n’est pas lui qui devait essuyer les tableaux ! Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas que la nomination de Najat Vallaud-Belkacem, qui est un signal positif, occulte tout ce qui ne va pas. Elle monte en grade, soit ; mais notre système scolaire se dégrade. Toutes les études internationales le disent : notre école donne aux enfants un niveau médiocre et creuse les inégalités entre riches et pauvres. On parle d’échec scolaire pour les élèves : c’est d’abord l’échec d’un système – et c’est cela qu’il faut changer.
Ce n’est pas si facile de réformer l’école ! Regardez ce qui se passe sur les rythmes scolaires : la ministre a dû menacer de faire appel aux préfets pour contraindre les maires récalcitrants à appliquer la réforme. Elle a raison ?
C’est la position qui avait été arrêtée par Benoît Hamon – lui-même bien placé pour savoir que Manuel Valls veut afficher de l’autorité sur tous les fronts. De fait, les maires n’ont pas été pris par surprise : ceux qui n’ont pas mis en place la réforme sont ceux qui n’ont pas voulu le faire, donc ils sont hors-la-loi. Alors c’est vrai que beaucoup de communes manquent de moyens et on va voir des écoles se transformer en garderie parce qu’il n’y aura pas d’activités périscolaires. Mais quand on voit des élus faire du sabotage (Nicolas Dupont-Aignan, qui n’a que la République à la bouche, veut cadenasser les écoles de sa ville !) on se dit qu’on parle de supprimer les notes, mais il faudrait rétablir les bonnets d’âne…
Avant son élection, François Hollande avait promis de faire de l’école sa priorité. Comment est-ce que Najat Vallaud-Belkacem peut incarner cette priorité en période de restrictions budgétaires ?
L’éducation reste – de loin – le plus gros budget de l’Etat, mais le problème, c’est que les crédits ne cessent d’augmenter depuis 20 ans et ça n’empêche pas le niveau de baisser. On n’entend plus parler que de la compétitivité des entreprises mais celle de nos écoles et de nos diplômes est déplorable. Pour enrayer cette débâcle, il ne faut pas forcément recruter toujours plus de profs, mais renforcer leur formation (que la droite avait raccourcie), moderniser les programmes (plus de langues, de l’informatique, de l’économie, du droit) et fixer des objectifs de résultats. Cette politique-là aussi réclame un changement de rythme.