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“Tout ce que pourra dire Salah Abdeslam n’est d’aucune importance à mes yeux”

Alors que Salah Abdeslam était entendu ce vendredi pour la première fois depuis son arrivée en France, il s’est retranché derrière son mutisme. Doit-on s’en désoler, ou considérer qu’il ne dira de toute façon jamais la vérité ? La question a divisé Les Grandes Gueules.

Six mois après les attentats de Paris, cette étape était très attendue. Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos jihadistes du 13 novembre, était interrogé en France pour la première fois. Mis en examen pour assassinats terroristes le 27 avril, il a refusé de s’exprimer devant les magistrats français et a d’entrée fait valoir son droit au silence.

L’ancien caïd radicalisé devenu le fugitif le plus recherché d’Europe s’était pourtant dit, par la voix de son avocat, Franck Berton, prêt à s’exprimer “ultèrieurement”. Comment interpréter son mutisme ? Quelle sera la stratégie de sa défense ? L’homme clé des attentats du 13 novembre serait-il le décérébré décrit par son avocat belge ? Le sujet a divisé les Grandes Gueules ce vendredi.

“La seule fois où Monsieur Abdeslam, à mon avis, dira la vérité, c’est quand il va se taire!” a lancé Gilles-William Goldnadel, avocat. “Tout ce qu’il peut dire n’est d’aucune importance à mes yeux.”

Comme l’avait dit son avocat belge, Abdeslam avait accepté d’être transféré en France pour pouvoir “s’expliquer”.

Suiveur ou meneur ?

“Je ne veux pas être offensant envers mon confrère et le peuple belge, a rétorqué Maître Goldnadel, mais mon confrère a dit sur son client que c’était un petit con, avec le quotient intellectuel d’un cendrier vide, ce qui était un système de défense comme un autre. Mais quand on lui a reproché d’avoir dit ça, il a dit s’être concerté avec son client !” 

Abdeslam voudrait-il se faire passer pour un suiveur plutôt qu’un meneur afin de minimiser son rôle dans les attentats ? Il a notamment assuré avoir renoncé au dernier moment à se faire sauter. “On peut se poser la question de savoir quel accueil va lui être réservé dans les prisons françaises si il est considéré comme un auxiliaire de police ou de justice”, a poursuivi Maître Goldnadel, réaffirmant qu’il n’attendait rien de ces auditions.

“L’important, c’est qu’il soit sous les verrous”.

Guidé par une mission divine

Quant à savoir ce qu’espère obtenir Abdeslam par son silence, pour Maître Goldnadel, un type de son genre, guidé par une espèce de mission divine, peut espérer soit continuer cette mission en prison en étudiant le fondamentalisme, soit sortir un jour et reprendre les armes. “Il est guidé par quelque chose qui nous dépasse et c’est un individu dangereux”, a-t-il conclu.

Une analyse partagée par Etienne Liebig, qui pense cependant que le comportement d’Abdeslam fait partie d’une stratégie :

“Je pense que ce n’est pas un demeuré total”!

Contrairement à Maître Goldnadel, l’éducateur et chroniqueur des Grandes Gueules voit pour sa part une utilité à auditionner Abdeslam. “Je pense quand même qu’il a des éléments à donner sur Molenbeek, sur la filière, sur le donneur d’ordres éventuel…”

“Moi je suis persuadée qu’avec le temps, il finira peut-être par parler, je l’espère”, a dit pour sa part Claire O’Petit.

Informations cruciales

Proche d'Abdelhamid Abaaoud, l’organisateur présumé des attaques du 13 novembre, Abdeslam a déposé les trois kamikazes du Stade de France avant d'être exfiltré vers la Belgique. Avant cela, il a loué des véhicules ayant servi aux différents commandos et a déniché des planques en région parisienne. Dans les mois précédents, il a aussi multiplié les voyages pour convoyer des membres du réseau à travers l'Europe, notamment Najim Laachraoui, possible artificier du 13 novembre mort en kamikaze lors des attentats du 22 mars à Bruxelles qui ont fait 32 morts.

Selon toute vraisemblance, Salah Abdeslam détient donc des informations cruciales sur la conception du projet jihadiste, ses commanditaires et d'éventuels complices encore den liberté. Il pourrait aussi aider à démêler les liens entre les attentats de Paris et Bruxelles, fomentés par la même cellule de Daesh.

Charlie Vandekerkhove avec les G.G.