Transplantation du cœur: "Ça a été une résurrection extraordinaire"
"J'étais tellement mal, tellement au bout du rouleau à la fin de ma première vie, que je ne me suis posé aucune question technique. J'étais dans cette continuité de la vie, dans ce don. Pour moi ça a été une résurrection extraordinaire, que je n'ai réalisé que des mois plus tard d'ailleurs.
Au départ on est dans la récupération personnelle, physique. Ce n'est que des mois plus tard que l'on réalise que c'est le cœur d'un autre, qu'on est devenu un hybride, et qu'il y aura quelqu'un d'autre qui vivra en moi toute la vie. Ce n'est pas technique, on est dans le sentiment, la passion, dans l'envie de vivre. La vallée de la vie continue, il fallait trouver une solution miracle.
"J'ai réalisé qu'il y avait quelque chose d'étranger en moi"
On a l'envie de dire merci, l'envie de dire aux gens qui m'ont fait ce don d'aller vers eux et de dire merci. Je l'ai ressenti un jour où je courrai. J'ai senti que mon cœur battait très fort à l'intérieur de moi. C'est là que j'ai réalisé qu'il y avait quelque chose d'étranger en moi. Après il y a toutes les questions essentielles de la vie et de cette autre personne. Je l'ai imaginé et je rêve souvent de cette personne qui m'a donné son cœur. J'ai eu quelques infos sur lui, donc ça m'a encore plus perturbé.
"Pour moi, j'étais immortel"
Je n'ai jamais eu cette peur de la mort parce que j'avais une confiance énorme en l'équipe de la Pitié Salpêtrière qui m'avait pris en charge. J'avais fait deux arrêts cardiaques, et elle m'avait sauvé deux fois, donc je me disais que je ne pouvais pas mourir. Pour moi, j'étais immortel.
J'ai été prélevé un 22 novembre. Le 11 novembre, une de mes filles était dans ma chambre et un interne est entré. Il m'a dit 'restez à jeun, on a peut-être un cœur à Toulouse'. Et là ma fille m'a regardé et m'a demandé 'Papa, si on te change ton cœur, est-ce que tu m'aimeras toujours ?'. Vous voyez l'importance de l'impact. Je me suis mis à pleurer, et je me suis dit 'non ce n'est pas possible, je ne peux pas être transplanté aujourd'hui'.
Ce n'est pas l'épreuve de la mort, c'est pas l'épreuve physique, c'est pas l'épreuve chirurgicale, c'est l'épreuve de se dire qu'on perd sa propre intégrité et qu'on va vivre avec quelque chose qui ne nous appartient pas. Ça, ça demande une préparation psychologique de quelques temps.