A Cologne, depuis la "nuit de la honte", le regard sur les réfugiés a changé
La tension est particulièrement vive à Cologne, après la série d'agressions durant la nuit du Nouvel An, quasiment toutes commises selon les autorités par des étrangers. L'Allemagne craint maintenant une multiplication des représailles xénophobes. Plus de 500 plaintes, dont 40% pour agressions sexuelles, ont été déposées depuis le 1er janvier.
Quatorze des dix-neuf suspects qui ont été identifiés par la police locale sont originaires du Maroc et d'Algérie, et dix sont des demandeurs d'asile. Certains seraient des réfugiés arrivés en Allemagne l'année dernière (le pays a enregistré 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015). Ils étaient au total plus d'un millier la nuit de la Saint Sylvestre rassemblés sur une place située entre la gare et la cathédrale, pour beaucoup largement alcoolisés. Et puis par petits groupes, ils s'en sont pris à des femmes, dont certaines venaient juste de descendre du train. Des attouchements, des viols, des vols aussi de sacs, de téléphones portables…
Depuis cette "nuit de la honte", l'indignation a laissé place aux représailles. 10 étrangers, Pakistanais, Guinéens et Syriens ont été agressés dans la nuit de dimanche à lundi à Cologne par des groupuscules d'extrême-droite. Et la nuit dernière, à Leipzig, une manifestation à l'appel du mouvement xénophobe Pegida a dégénéré en violences et dégradations.
Une Allemande: "J'ai peur, je suis sur mes gardes"
Avec tous ces évènements, les Allemands oscillent entre colère et inquiétude, comme l'a constaté RMC, à Cologne. Lena résume bien l'état d'esprit des jeunes femmes de la ville. Comme beaucoup, elle est venue se recueillir devant le mémorial improvisé devant la sortie de la gare, où sont déposés des fleurs et des messages en soutien aux victimes du Nouvel an. Après un bref instant de recueillement, elle repart en vitesse. "J'ai peur quand je viens ici, je suis sur mes gardes. J'ai même acheté une bombe lacrymogène au cas où je me ferais agresser. Mais de voir tous ces policiers, ça me rassure", confie-t-elle. Tout autour de la gare, des dizaines de fourgons de police sont en effet stationnés et les forces de l'ordre multiplient les contrôles.
Si cette présence rassure la population, elle n'en change pas l'état d'esprit pour autant. Sosa, 27 ans, avoue que son regard sur les réfugiés a changé depuis la Saint-Sylvestre :
"J'ai toujours eu beaucoup de compréhension pour eux, mais depuis ce qui s'est passé, je suis désolée mais c'est terminé. Regardez, il y a plus de policiers que de passants dans les rues, on ne peut pas continuer comme ça".
"Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac, rétorque Gisela. Je trouve ça triste pour les milliers de réfugiés qui ont fui la guerre. Ils sont venus chercher la paix ici, et maintenant ils vont être regardés de travers".
"Après avoir accueilli les réfugiés, les Allemands se retournent contre eux"
Ces regards de travers, les allemands d'origine étrangère le ressentent déjà. Pelline, est allemande d'origine turque. Depuis les agressions du Nouvel An et les représailles de groupuscules d'extrême-droite, cette habitante de Cologne craint le pire.
"J'ai peur que la situation dégénère, que la violence empire. Moi je suis musulmane mais j'ai la chance d'avoir la peau claire. Mais beaucoup de mes collègues qui ont la peau plus foncée, ou qui portent la barbe se font insulter au travail. On leur dit 'sale réfugié', et ça me fait peur".
Les responsables du Conseil allemand du culte musulman ont d'ailleurs indiqué lundi avoir reçu tellement de menaces depuis le début de l'année, qu'ils ont dû débrancher le téléphone.
Pelline estime que la mentalité des Allemands a changé. "L'Allemagne a accueilli les réfugiés à bras ouverts mais ça n'a pas duré longtemps. Maintenant les gens se retournent contre eux. Mais dans quel monde vit-on ? Ce n'est pas mon Allemagne". Le pays qui durcit le ton envers les demandeurs d'asile. Ceux qui seraient condamnés pour des crimes ou des délits pourraient désormais être expulsés.