A quoi va ressembler le futur pôle "Cold Case" de la justice?
Sur le modèle du parquet national anti terroriste, ou du parquet national financier, il y aura bientôt un pôle unique judiciaire unique pour toute la France chargé des crimes non élucidés et des crimes en série. Il s'installera à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, où il regroupera trois magistrats instructeurs, un procureur, et cinq greffiers et assistants judiciaires. Il fonctionnera dès le 1er mars prochain et se verra tout de suite confier 241 dossiers. Des affaires criminelles connues ou moins connues qui n’ont pu être résolues, malgré souvent des années et des années d'enquêtes.
L'objectif, c’est de ne plus commettre les erreurs que l’on a vues notamment dans l’affaire Fourniret. Car l’affaire Michel Fourniret, le pire tueur en série de l’histoire de France, c’est une incroyable succession de fautes dues au manque de coordination.
Au début de sa "carrière" de tueur en série, il est fiché comme délinquant sexuel par les gendarmes mais pas par les policiers. Et leurs fichiers ne sont pas croisés. En 2007, il écrit au procureur de Reims pour laisser entendre qu’il pourrait être responsable de la disparition de trois jeunes filles, dont Estelle Mouzin. Mais cette information capitale ne parvient pas à ceux qui enquêtent sur ces trois disparitions. Rien que sur l’affaire Estelle Mouzin, huit juges d’instruction se sont succédé, mais des dizaines d’autres ont traité des crimes de Fourniret avec des instructions ouvertes, à Paris, à Auxerre, à Versailles, à Charleville-Mézières et à Meaux. Et ces juges ne se sont pas toujours parlé.
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La gendarmerie conserve déjà 230.000 scellés
En fait, le système judiciaire actuel veut que l’on enquête sur un fait, par exemple un meurtre. Pas sur une personne. Il n’y a donc jamais eu pendant 30 ans, un juge chargé d'enquêter sur l’ensemble des faits qui pouvaient être reproché à Michel Fourniret. Avec ce nouveau pôle, c’est ce qui doit changer. Il y aura désormais des juges qui centraliseront toutes les informations, et des juges qui resteront plus longtemps en poste.
Les juges s'appuieront aussi sur des services spécialisés qui existent déjà comme l'UAC 3 de la brigade criminelle. C’est l’unité d’analyse criminelle et comportementale des affaires complexes. Avec notamment les fameux “profilers”, ces psycho-criminologues" qui traquent les tueurs en série…
Côté gendarmes, on a un service qui s’appelle Diane, pour "division des affaires non élucidées", basé à Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise. Une quinzaine d'enquêteurs et d'analystes y sont affectés. C’est là aussi que se trouve un bunker où l'on conserve 230.000 scellés, des milliers de cartons contenant du sang, du sperme ou des empreintes digitales. La mémoire des affaires criminels de la gendarmerie…
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L'affaire du grêlé, exemple de "cold case"
Récemment, deux "cold case" très anciens ont été résolus. Le premier, c’est l’affaire du "grêlé". Une série de viols et de meurtres commis à Paris il y a 35 ans. Plusieurs générations d’inspecteurs de la brigade criminelle s'étaient cassés les dents sur cette enquête qui les obsédait. Finalement, l’obstination d’une juge d’instruction a payé. Elle a ordonné de convoquer des dizaines et des dizaines d'anciens policiers et gendarmes, parce que l’on savait que le violeur avait présenté une carte de police.
Lorsqu’il a reçu sa convocation en septembre dernier, un homme s'est suicidé, parce que c’était lui et qu’il savait qu’il allait être confondu par son ADN. Il a laissé une lettre d’aveux.
Et puis, il y a deux ans, les gendarmes ont également mis fin à un très long mystère. Une jeune fille de 24 ans, Martine Escadeillas, avait disparu en 1986 dans la banlieue de Toulouse. Des traces de son sang avaient été retrouvées chez elle, on l’avait entendu crier et on avait vu un homme au crâne dégarni. Mais l'enquête n’a rien donné pendant 30 ans. Et puis une femme a écrit aux gendarmes. Elle a dit : "Cela fait 30 ans que cela me travaille”. Il y avait dans l'entourage de cette jeune fille, un jeune homme très amoureux d’elle. Cet homme a été retrouvé, interrogé et il a avoué. Avant de se rétracter. Il est en attente de son procès.
Deux affaires de plus de 30 ans, qui désormais seraient traitées par ce nouveau pôle spécialisé. Un service que tout le monde réclamait: les magistrats, les avocats, les enquêteurs et surtout les familles de victimes. Pour lutter contre l'oubli.
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