Affaire Alexeï Navalny: ce que l'on sait du "poison" découvert

Après l'Allemagne, la France prend position. Le Quai d'Orsay a dénoncé l'"acte criminel" perpétré à l'encontre de l'opposant russe Alexeï Navalny, victime d'un empoisonnement selon l'Allemagne, et a réclamé aux autorités russes une "enquête rapide et transparente".
"La France exprime sa profonde préoccupation devant cet acte criminel perpétré à l'encontre d'un acteur majeur de la vie politique russe", a déclaré dans un communiqué le ministère, jugeant "indispensable que les autorités russes diligentent une enquête rapide et transparente qui permette d'établir les circonstances dans lesquelles cet acte a été commis".
Paris estime que "les responsables de cet acte devront être identifiés et traduits devant la justice" et réitère sa volonté d'apporter à l'opposant ainsi qu'à ses proches son "appui dans ces circonstances difficiles".
"Novitchok"?
Mais que sait-on des "traces d'empoisonnements" découvertes par l'hôpital allemand où Alexeï Navalny est soigné depuis ce week-end? Après 48 heures d'examens approfondis, cela ne fait plus guère de doute pour ces médecins allemands: l'opposant russe a bien été empoisonné.
Les résultats cliniques indiquent une intoxication par une substance encore non identifiée. Mais les soignants du très réputé hôpital berlinois de la Charité savent qu'elle fait partie des "inhibiteurs de cholinestérases". En petite quantité, elle est utilisée dans certains médicaments contre la maladie d'Alzheimer. Mais quand on augmente le dosage, c'est un poison mortel qu'on retrouve dans la composition du "Novitchok", utilisé ces dernières années dans d'autres empoisonnements impliquant la Russie, comme celui de l'ex-espion russe Sergueï Skripal, en Grande-Bretagne.
Ce mardi, le Kremlin a jugé "hâtives" les conclusions des médecins allemands sur un empoisonnement: l'opposant souffre d'un niveau de cholinestérase trop bas. "Cette baisse (de cholinestérase) peut avoir de nombreuses causes, notamment la prise de certains médicaments. Il faut établir la cause, et cette cause ni nos médecins ni les Allemands ne l'ont identifiée", a estimé Moscou, soulignant que la Russie serait "reconnaissante" si une substance était découverte.
Placé en coma artificiel, Navalny est traité avec un antidote, l'atropine: "Son état de santé est grave, mais sa vie n'est pas en danger" selon ses médecins qui n'excluent pas de possibles "séquelles à long terme de son système nerveux".
Nombre de détracteurs du pouvoir russe ont été assassinés ces dernières années, à l'instar de l'opposant Boris Nemtsov ou de la journaliste Anna Politkovskaïa, sans que la vérité ne soit jamais vraiment établie.
Les cas précédents
D'autres ont été empoisonnés, comme l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia en mars 2018 au Royaume Uni, justement par l'agent innervant Novitchok. Les services spéciaux russes ont été pointés du doigt par l'enquête et l'essentiel des capitales occidentales, mais le Kremlin a rejeté en bloc ces accusations.
La Russie a aussi rejeté toute responsabilité dans l'empoisonnement au polonium-210, substance radioactive, d'un ancien des services secrets passé à l'opposition, Alexandre Litvinenko, en 2006 à Londres. D'autres opposants ont dit avoir subi des empoisonnements, comme Piotr Verzilov, militant du groupe contestataire Pussy Riot qui en 2018 avait été aussi été soigné à Berlin.
Alexeï Navalny avait déjà été victime d'attaques physiques. En 2017, il avait été aspergé d'un produit antiseptique dans les yeux. En juillet 2019, tandis qu'il purgeait une courte peine de prison, il avait été traité à l'hôpital après avoir soudainement souffert d'abcès sur le haut du corps. L'opposant avait dénoncé une tentative d'empoisonnement alors que les autorités évoquaient une "réaction allergique".