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Antiterrorisme: bientôt des SMS alertant localement de l’imminence d’un attentat?

TEMOIGNAGES - L'Assemblée a entamé mardi l'examen d'un projet de loi de réforme de la procédure pénale dit de "lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement". Parmi les mesures débattues, la possibilité d'avertir localement par SMS de l'imminence d'un attentat. Qu'en pensent les rescapés du Bataclan? Réponse.

C'est un nouveau front pour le gouvernement qui s'ajoute au projet de loi Travail. Les députés examinent depuis mardi le projet de loi de réforme de la procédure pénale dit de "lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement". Si deux mesures ont déjà été votées par l'Assemblée nationale, un amendement examiné ce jeudi soir fait particulièrement réagir. Il s'agit de la possibilité d'avertir localement par SMS de l'imminence d'un attentat. Qu'en pensent les rescapés du Bataclan? RMC a posé la question à Emmanuel, 29 ans, vice-président de l'association "13 novembre: fraternité et vérité".

"Cela pourrait être vraiment utile"

Le soir des attentats, il était dans la fosse du Bataclan: "Trois secondes avant l'arrivée des terroristes, on était en train de sauter, danser. On n'était pas prêts pour cela". Alors cette alerte SMS, il aurait bien aimé l'avoir. "Imaginons qu'on ait eu cette alerte 10-15 minutes avant, ça aurait permis d'arrêter le concert et pas de se retrouver complètement pris au dépourvu. On aurait pu se préparer, peut-être se cacher", estime-t-il.

"Un petit peu de temps pour être prévenus, ça laisse le temps d'arrêter le concert, je n'en sais rien…. Je ne veux pas refaire l'histoire mais je me dis que pour le futur cela pourrait vraiment être utile", considère-t-il encore. Pour Luc Belot, le député socialiste à l'origine de l'amendement, l'envoi d'un tel SMS permettrait de sauver des vies. "Il s'agirait d'un message très court disant qu'un attentat est en cours, qu'il faut faire attention", détaille-t-il persuadé de l'efficacité d'une telle mesure: "Le SMS que l'on reçoit, on le voit et on le lit très rapidement. A ce moment-là, on peut donc sauver des vies".

"Cela ne peut pas être que ça…"

Sauver des vies peut-être mais, pour Emmanuel, ce système est à double tranchant: "Cette application en elle-même est bien mais elle ne peut pas être seule. Si c'est le cas, elle va être plus dommageable qu'autre chose. En effet, je ne sais pas si, prévenir des gens dans une salle de spectacle en leur disant que des terroristes arrivent, cela va pour autant simplifier les choses. Cela ne peut pas être que ça. Il faut que ça aille de pair avec des plans d'évacuation, une sorte d'organisation".

Et d'ajouter: "Il faut penser à ce qui va se passer quand on va recevoir cette alerte. Il faut donc un accompagnement parce que si c'est l'information brute, c'est la panique". Toutefois il estime que ce projet va dans le bon sens: "Cela montre une certaine prise de conscience. Oui, on va vivre avec des attentats. Il faut qu'on le sache et qu'on se prépare. Et ça, cela permet de se préparer. Je le vis continuellement depuis le 13 novembre: je sais que je ne suis plus en sécurité dans les lieux publics. N'importe où, n'importe quand quelqu'un peut surgir et vouloir nous tuer".

Que dit l'amendement?

Il s'agirait de donner la possibilité aux opérateurs de téléphonie mobile d'avertir leurs abonnés présents dans certaines zones de l’imminence d’un attentat ou d’une catastrophe naturelle.

Actuellement, les opérateurs sont d’ores et déjà tenus de transmettre les "communications des pouvoirs publics" destinées à prévenir la population "de dangers imminents ou atténuer les effets de catastrophes majeures", mais la mesure n'a jamais été mise en œuvre. Le ministère de l’Intérieur planche déjà sur ce dispositif depuis la tempête Xynthia.

Il s'agirait de ne pas transiter par le canal traditionnel d'envoi des SMS, mais par le réseau "technique": un système appelé "selfbroadcasting". Les avantages: pas de problèmes de saturation réseau, le canal ne peut pas être désactivé par l'utilisateur et le téléphone éteint est automatiquement rallumé pour transmettre le message.

A noter qu'un tel système d'alerte existe déjà dans en Belgique, aux Pays-Bas et en Israël.

Maxime Ricard avec Romain Poisot