Au lieu d’une clarification, Hollande et Valls ont une cohabitation
Les attaques de Martine Aubry contre la politique du gouvernement ont mis en lumière les tensions au sein du PS et – c’est ce que vous voulez souligner ce matin – au sein de l’exécutif. Votre parti pris : Au lieu d’une clarification, Hollande et Valls ont une cohabitation. Que voulez-vous dire ?
On s’est demandé pendant 24 heures pourquoi François Hollande ne réagissait pas à l’implosion de sa majorité, ce qu’il pouvait dire ou faire pour l’empêcher… Finalement, il a quelques mots très mesurés (ce jeudi en Argentine) pour défendre le projet de loi El Khomri ; sans citer Martine Aubry pour ne pas envenimer la crise et en invoquant un "esprit d’équilibre" pour qualifier cette réforme – ce qui annonce quelques reculs. François Hollande parle d’équilibre mais ce qu’il fait relève de l’équilibrisme. Il doit gérer une rivalité évidente avec son Premier ministre sans qu’ils aient de désaccord de fond ; et en même temps, un conflit ouvert avec une majorité qui est la sienne mais qui n’approuve plus sa politique. Ça ne ressemble pas à la "clarification" que réclame Manuel Valls mais à une nouvelle cohabitation – une cohabitation triangulaire.
Si vous parlez de "cohabitation", c’est que vous considérez que Manuel Valls joue contre François Hollande ? Qu’il serait prêt à se présenter contre lui ?
De plus en plus de socialistes pensent que Manuel Valls joue une carte personnelle (y compris à l’Elysée). Mais ça ne peut pas se terminer par un duel. A la fin de toutes les cohabitations précédentes, le Premier ministre s’est présenté à la présidentielle… et il a toujours perdu – c’est un argument dissuasif. Ensuite, sa position au sein du PS ne lui permet pas d’affronter François Hollande – Manuel Valls a toujours été minoritaire dans son parti, il le reste. Et puis dans les sondages, même s’il est plus populaire, il n’apparaît pas plus capable que François Hollande de faire gagner la gauche en 2017. Ce qui se passe, c’est que Manuel Valls (comme Martine Aubry) commence à penser que François Hollande pourrait ne pas être candidat. Donc Manuel Valls se prépare à l’être. Et ses adversaires se disposent à l’en empêcher. Dans cette hypothèse, il y aurait une primaire… et un anti-vallsisme primaire.
Avec tout cela, on ne parle pas déjà plus beaucoup du contenu du projet de réforme du droit du travail. Vous pensez que ce projet peut finir dans les sables mouvants, comme la réforme constitutionnelle ?
François Hollande va tout faire pour sauver le texte – ce qui lui permettrait aussi de sauver la face. Avec un peu de perversité, Manuel Valls a souligné hier que cette réforme était autant celle du président que la sienne puisque l’Elysée en a approuvé le contenu – ce qui est sûrement vrai. Le problème, c’est qu’en l’état, il n’y a pas de majorité à gauche pour voter ce texte. Le comble, c’est qu’une partie des Républicains se disent prêts à soutenir le projet s’il ne change pas d’une virgule. Au fond, c’est exactement la position de Manuel Valls. Donc si on résume : la majorité PS ne veut pas de cette réforme ; François Hollande ne sait pas quoi faire ; seule la droite est prête à soutenir le Premier ministre. Finalement, c’est peut-être ce que Manuel Valls appelle une "clarification".