Bientôt tous fichés? "On ne peut pas mettre en place un outil pareil sans débat"

- - AFP
"Pour la première fois, on aura un fichier qui regroupera pour la quasi-totalité des Français -tout le monde sauf les moins de 12 ans-: on aura des données sur l'adresse, la couleur des yeux, le profil et surtout des données biométriques. Et c'est la première fois que l'on pourra sur une base centrale regrouper toutes ces informations.
Le risque est potentiel mais on peut ouvrir la voie du côté des hackers, ou du côté de l'évolution du droit. On peut aller vers un système qui permettrait d'identifier chaque Français à partir de son image ou de ses empreintes, ce qui pose un vrai problème.
On ne peut pas mettre une place un outil pareil sans débat. Je ne vois pas où est l'urgence sur ce sujet, on n'est pas à trois mois près. Quand il s'agit de fichiers de sécurité, on peut comprendre l'urgence. Là, si l'objectif du fichier n'est pas la sécurité de l'Etat mais la lutte contre l'usurpation d'identité, l'urgence n'est pas absolue, on pouvait prendre le temps d'un débat parlementaire.
L'enjeu le plus important, c'est la tentation qui émergera nécessairement d'utiliser ces fichiers à des fins de sécurité. Aujourd'hui, ce fichier est simplement justifié dans un souci de lutter contre les usurpations d'identité. Mais demain, on pourra avoir la tentation dans le contexte sécuritaire que l'on connaît, d'utiliser ces données pour identifier des personnes.
Si on veut aller vers un système qui vise à protéger les Français contre le risque d'usurpation d'identité, pourquoi créer une base centrale? Pourquoi est-ce qu'on ne concentre pas tout ça sur une puce intégrée au passeport ou à la carte d'identité et qui permet des vérifications par comparaison entre les données figurant sur cette puce et les empreintes digitales que l'on contrôle à ce moment-là? On sécuriserait totalement le dispositif.
"La pression sécuritaire est telle que les Français considèrent que la priorité est à la lutte contre la menace terroriste"
Il faut qu'un maximum de citoyens et de parlementaires s'expriment pour demander un débat. Je pense que la conscience que peuvent avoir nos concitoyens sur les dangers que représentent l'informatique et ce type de fichiers a diminué. La pression sécuritaire est telle que les Français considèrent que la priorité est à la lutte contre la menace terroriste.
L'affaire Snowden avait permis de mesurer les risques que pouvait représenter une surveillance généralisée de communication électronique. Depuis, on a accepté dans la loi française que les services de renseignement puissent accéder à nos échanges électroniques. Je pense qu'on a commis une erreur parce que la menace passera mais les contrôles, eux, resteront. Il s'agit de réveiller cette conscience".